DIRTY ...

... Ooh, I been dirt

And I don't care

Ooh, I been dirt

And I don't care

Cause I'm burning inside

I'm just a yearning inside

And I'm the fire o' life

Ooh, I've been hurt

And I don't care

( The STOOGES )

DIRTY / 1978

( 1 )

La suite demain...

La Gwada, encore une couche…

Bien le bonjour, monsieur Cobra,
Merci pour la transmission de mes messages...

Je comprends ce que certains pensent, du haut de la métropole. J'ai envoyé
un mail aux auteurs de SF plutôt de gauche pour leur demander leur réaction.
Rien. Jean-Claude Dunyach (écrivain de SF, par ailleurs ingénieur à
l'Aérospatiale de Toulouse) m'a répondu : "... Alors te dire ce que je pense
du monde ? Je peux te parler de mon petit coin, où il y a un vieux bonhomme
qui fait la manche et qui ressemble à un de mes anciens voisins. Il est
tellement intégré dans le paysage qu'on le croise sans y penser et qu'on lui
donne une pièce quand on y pense - sauf quand il fait très froid et qu'il
s'abrite de la neige dans la cabine téléphonique près de la poste, en
soufflant sur ses doigts."
Jean-Claude insistait aussi sur le fait que les médias, plus ou moins vendus
au pouvoir, délivraient une information consensuelle, pour ne pas dire
tronquée ou orientée. Il a raison, car combien de temps a-t-il fallu
attendre pour qu'une chaîne nationale parle de ce qui se passait en
Guadeloupe depuis plus d'un mois ? Daniel Mermet (de "Là-bas si j'y suis"
sur France Inter, émission culte s'il en est) sera chez nous demain (mardi
17 février), mais lui, on lui pardonne. Il ne peut pas être partout.
Ecoutez-le à 15 heures (heure parisienne) sur France-Inter.
Ici, en Guadeloupe, il s'est passé une chose extraordinaire et qui est
l'illustration contraire de ce que Jean-Claude affirme au sujet des médias.
Le 20 janvier, une chaîne de télé privée (Canal 10, qui n'a rien à voir avec
Canal +) gratuite et ouverte à tous, diffusait en direct, non stop, une
table ronde réunissant un collectif de 47 associations et de syndicats
(Liyonage Kont Profitasyon), les représentants des associations patronales
(dont le MEDEF) et la CCI, les élus (député(e)s, sénateurs), les présidents
des conseils départemental et régional, le président de l'association des
maires de Guadeloupe (le médiateur) et le Préfet. Tous allaient parler,
discuter, négocier, en direct, pendant plusieurs jours. Incroyable ! Cette
négociation sur la vie chère portant sur plus de 130 points de revendication
prenait souvent des allures de forum, parfois dérivait, mais qu'importe !
Cette réunion se tenait -tu sais où ?- dans une salle située dans un
immeuble qui s'appelle le WTC (World Trade Center), à Jarry, dans la
banlieue de Pointe-à-Pitre ! Par la suite, la chaîne locale officielle (RFO
Guadeloupe) est entrée dans la brèche... Mais ça n'a pas duré longtemps !
Quelques heures tout au plus. J'imagine qu'ils se sont fait taper sur les
doigts par la direction parisienne et l'Etat sarkoziste. Résultat : grève
générale à RFO. Canal 10 continue de diffuser reportages, tables rondes sans
discontinuer, avec des moyens limite, pas toujours très "pros" (on s'en
fout). Aux dernières nouvelles, deux de ses journalistes et animateurs ont
été convoqués par la police... Affaire à suivre.
On peut dire qu'ici, après 4 semaines de grève générale, la population est
tous les jours dans la rue. Les gens s'écoutent, se regardent, font la fête,
solidaires, vivent ensemble des moments qu'ils savent historique. En somme,
c'est un vrai Carnaval ! Il faut dire qu'ici, aux Antilles, événement
historique ou pas, les moun sont ensemble ! Mais ça ressemble tout de même à
Mai 68 au niveau de la libération de la parole, de la créativité, de la
prise de conscience. Putain, des fois je me demande où ils trouvent toute
cette énergie ! D'un côté des institutions bloquées, des systèmes de profit
à bout de soufle, et de l'autre une population vivante, bouillante, unie
comme jamais, et qui exige le changement, une répartition plus juste des
richesses.
Mais aujourd'hui, ça a commencé à chauffer. La répression montre les dents
et frappe, insulte. Des centaines de CRS, venus de métropole par avions
entiers, débarquent en tenue de combat et ne font pas dans la dentelle...
J'ignore la suite. On commence à parler, aujourd'hui, au bout d'un mois de
grève générale sans le moindre incident, d'éléments incontrôlés qui brûlent
des bagnoles et jettent des pierres sur les CRS. Je ne parle pas d'Yves Jégo
qui commence à avoir des cernes sous les yeux, le pôvre...
Nous sommes loin du monde dont parle Jean-Claude et en même temps proche,
dans l'humanité qui nous relie...
Un écrivain de Science-Fiction, Philip K. DICK, m'a fait découvrir un mot
dans les années 70 : l'empathie.
Aujourd'hui, je suis triste à l'idée que les écrivains de SF ne soient pas
plus immergés dans le monde vrai, plus solidaires, plus ensemble. Je ne
désespère pas qu'ils sortent un jour de leur tour d'ivoire pour lire ce que
leurs collègues écrivent... Je reconnais que c'est pas facile, mais
l'isolement, franchement, non.

JPP (le 17/02/09)

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« Des rêves sont venus en remontant le fleuve.
On s’arrête, on cause avec eux : ils savent bien des choses,
sauf seulement d’où ils viennent. »
(Kafka. Aphorismes)