RUBAN de SABLE
On manifestait dans la rue. On se manifestait par l'Ecrit. On rédigeait sa profession de foi. On copiait les autres manifestes; le manifeste DaDa, le manifeste communiste de Marx et Engels, le manifeste du Surréalisme...
Manifestement ces manigances dévoilaient une face obscure, une personnalité refoulée au rayon Grand Manitou. On crachait son diktat, très mauvais gen(d)re, âne baté-caudillo, duce-âne à thème...
On p(r)échait par gourmandise, orgueil, colère simplement par naïveté. Mon manifeste était bleu-pâle; c'était le manifeste-buée.
Manifeste-Buée
Des mots suicidés, lapidés d’avance aux phalènes des asiles. Des croûtons de mots, humides. Des mots-urines, des mots-foutre, excréments de Momo Artaud en cruauté opiacée. Des mots hémophiles, des mots- hémoglobine. Des mots laqués, des mots mauve-mescaline. Des mots bisexués. Des mots de velours lisse sur la redingote rapiécée du Wilde de Covent Garden en décadence surveillée. Dans la geôle de Reading, à Meudon, à Ivry, à Santiago, à Guernica, sur les fissures de toutes les Bastilles : - des mots !!!
Des mots-chancres, en absinthes verbales sur le coin de table. Des mots-barreaux, des mots-tribunaux, des mots camisoles de faiblesse, des mots-bourreaux en électrochoc, en gibet… Des mots liquides : verres-pipes-seringues. Des mots-venins. Des mots qui tuent le mot jusque dans son corps. Des mots charognards, des mots-génocides qui commandent aux armées. Des mots mutilés, cri-rage-barbelé qui montent du fond des décrets-lois. Des mots-cendres jugés en place publique. Des mots qui cirent les bottes. Des mots qu’on assassine… Des mots-questions-frissons. Des mots-désirs et des désirs de mots qui éjaculent ensemble sur les constitutions. Des mots trépanés de leur vivant. Des mots suicidés, crucifiés d’avance au code de la Raison.
Le POUVOIR est MOT. Le pouvoir est ECRITS.
Il faut DETRUIRE le langage collectif articulé des MAUX du POUVOIR !
( Version originale / 1975 / La Ballade
Illustrations: Henri Aspic / Mots: Léon Cobra / 1975