à coup d'insultes ...
... Saigner les gerçures
Invité N° 25 : Jean AZAREL
Si les poètes officiels sont déjà bien mis en avant (rien de péjoratif pour moi dans l'adjectif), inutile que j'en rajoute, je préfère effectivement mettre des textes de gens qui le sont moins, voire pas du tout, et t'en remercie
Bien à toi
Jean
Le silence des femmes
Le silence de la peur, de la honte, un silence séculaire, la langue mordue, la tête tondue
Et les cheveux tombent, et les femmes tombent, et la raison tombe, et l’humanité tombe, et je tombe le corps attaqué au sommet
La chevelure, c’est l’ennemie. Baudelaire. La poésie. La liberté. La sensualité.
L’être profond
Les violences varient. Les violences spécifiques.
A coups de ciseaux. A coups de fouets. A coups de pierres. A coups d’acide, à coups de rasoirs, à coups d’insultes, à coups de verges
Nous sommes l’épouvante et la puissance
L’utopie et la faille
L’inégalité vivante, souffrante, vibrante, rayonnante
Nous sommes une bouche-le langage, des seins-un cœur, des bras- l’étreinte, des cuisses- la force, des yeux- la perception, deux cerveaux- l’intelligence, un sexe- la vie.
Une chevelure- une femme.
Perrine LE QUERREC / Les Tondues (Z4 Editions)
Jean LORRAIN / Modernité
La nuit froide fait éclater
saigner les gerçures
de la terre-mère
la lune du peyotl
aguiche nos regards
bizarrement boutiqués
dans le Renault Master Rock and Roll
Jim Morrison espère plumer son cafard
en enterrant sa hache de guerre
Entre Carhaix et Lorient
la campagne est livide
solitaire et glaciale
aucun phare ni fanal
aucune loupiote amène
pas même un feu follet
déconnant tout son soûl
pour égayer la lande
rien que nous et le diesel
pour trouer le silence
fendre la bise barbare
et câliner l'asphalte
"Hey brother ! Are you OK ? "
Alain JEGOU / A Lance Henson, janvier-février 1998
Au fin fond de nos nuits spirales
Je me blesse à un ailleurs fermé
Donne-moi ton souffle
En forme de cage
Que j’y laisse mon âme en feu
J’ai pris le sommeil dans ta poche
Sur ton os il y avait une fleur tatouée
Rouge offerte
J’ai rangé tes entrailles
Qui séchaient avec les poils et les sabots
A l’oreille
J’ai pris la température de l’extase
Et sur ta lèvre bleue
Testé le goût du vide,
Mon souffle te va si bien
Laure CAMBAU / Le couteau dans l’étreinte
"Arzel caressait le corps de Mona et sa flamboyante ivresse brouillant les sons et les couleurs du bar, Glen n'apparaissait plus que monstrueusement, dans un halo de fumée, immobile - roide menhir sur le sable de la nuit.
Les murs de l'exsangue réalité avaient croulé. Arzel entrait dans l'invisible, douloureux autant qu'ébloui.
Filaient les talus, des troménies de talus, dominées de bannières d'or. Les manoirs chantaient par la bouche des persiennes et de douces bêtes sortaient des taillis, la gueule gerbant des soleils. La poésie le tirait à elle, le hissait sur son pavois. Elle était la réalité réelle, l'ultime raison du monde.
Avec transport, Arzel étreignit Mona. Elle se laissa faire.
- Vous ne me connaissez pas, murmura-t-elle.Vous ignorez quels dangers je peux vous faire courir. Je porte les maléfices, Arzel. Je vous enliserai dans les marais de Yeun Elez. Tel est le sort de qui prétend me posséder.
Elle se pencha vers lui, décocha un sourire qui lui fouetta le sang. Cela devenait insoutenable.
- Caressez-moi encore dit-elle, là, plus bas, plus profondément. Je vous brûlerai..
Un blues d'Armstrong faisait tourner les derniers danseurs. Kérouac, affalé sur un banc, dormait. Arzel se laissa entrainer par la jeune femme et poussa la porte. L'air de la ville était froid, aigre. Il titubait. Il ferma mes yeux et prit la main de l'Inconnue."
Xavier GRAAL
Extraits de LA FÊTE DE NUIT
Un roman que je te recommande chaudement