DRUGSTORE CARNAVAL ...
... LéGITIME DéFONCE
«NI DIEU NI MAÎTRE! C’EST UN ORDRE!»
( Hugo Canesson )
Nous étions morts de rire.
La manif allait dégénérer en une méga fiesta.
On se foutait de tout.
C’était en 78.
L’autre siècle.
Libertaires dépravés
Par la société du spectacle,
Nous lisions dans les arbres
Sous les sapins.
«Ni dieu ni maître! C’est un ordre!»
Notre drapeau noir avec,
Au centre,
Une cuvette de chiotte à la Duchamp
Faisait de nous
La plus belle équipe de
Cinglés de la manif.
La révolution était permanente et
Droits dans nos
Pataugasses nous filions
Le parfait amour avec
Le dérisoire.
Nous étions 2400 selon nous,
Et 1787 de source policière.
La foule passant devant
Un panneau publicitaire
Se mit à brailler:
« Ma femme
Achète le pack de Brownies par six
Chez Auchan à 10 balles. »
Et puis on entendait:
« A bas le crapaud de Nazareth! »
En passant
Devant une église.
Et aussi,
Très prisé:
«Mon cul c’est du poulet
T’en veux une aile!»
En tête de manif c’était plutôt:
«Libérez nos camarades!».
La méga fiesta.
L’objectif étant de descendre
La grande rue et d’investir le palais
De la culture pour une grosse AG.
«Halte là!»
Le préfet, en personne,
Avec sa casquette de chef de gare,
Se mit à jouer du sifflet
En nous invitant goulûment
A passer notre chemin.
Il termina son appel par:
«Cassez vous bande de petits cons!».
Ni une ni deux.
Mouchoir sur le nez,
Citron dans la poche,
Bille de plomb
Et lance-pierre,
Les premières vitres dégringolèrent
Et la porte du palais
Allait céder quand une compagnie
de CRS
Nous balança de la fumée.
Courage, fuyez!
Volée de moineaux,
Drapeaux bas,
Nous étions environ 150 selon nous
Encore présents sur le champ de bataille,
Et 51 selon la police.
Déçus par la prestation de nos camarades
Révolutionnaires,
Nous décidâmes de nous replier
Au café des sports.
Marcel nous servit le digeo
Accompagné de cacahuètes salées.
La révolution ça creuse.
On fera mieux la prochaine fois.
C’est un ordre!