TRANSFIGURATION ...
... SOIXANTE - VANTARD
MARS 1968
de l’autre coté du confort, latitude Nord Hiver…
Prison de larmes. Silhouette sans issue.
Rien à dire. Tout à maudire.
Terré, j’hiberne. Terré, je hais.
J’habite une chambre de bonne de 15 m2.
Sans ascenseur, sans douche, wc sur le palier, vue sur cour.
Le septième ciel au sixième étage avec concierge dans l’escalier.
Balcon, antennes de télé et pigeons salariés.
J’ai 20 ans , des cheveux longs bouclés comme les sanglots monotones d’un requiem programmé.
Je peints ma face en pointillé, j’ai quatorze uniformes rayés.
de l’autre coté des guirlandes, No Man’s Land…
Tessons de vinyles. Cendres froides.
Ecailles d’insultes. Art poétique clandestin.
Terré, j’hiberne, terré je hais.
Deux plaques électriques greffées sur l’oiseau du froid, un frigo blanc presque vide, irradient la pénombre de filaments incandescents.
Feu et Glace.
Une libellule imaginaire est ma compagne.
Je la lèche sans la croquer. J’imite le bruit des cascades.
Je lui tisse des colliers de raisin ocre-tombe.
de l’autre coté du métro aérien, l’air de rien…
Cœur vide ordure. Médiator fluo.
Cymbale solitaire. Haute tension.
Terré j’hiberne. Terré, je hais.
Un ballon de cent litres d’eau chaude domine une grosse caisse éventrée, illuminée par une farandole de bougies multicolores et de lanternes clignotantes dérobées sur le chantier public le plus proche. Incantation païenne.
Je vis dans un univers de trappes. Je suis un figurant sans importance. Je m’emmerde.
Je déchire les nuages.
de l’autre coté du fleuve sale, pas d’escale…
Sirènes d’ambre. Ecume de plomb.
Dialogue sourd muet. Sous titre codétenu ( par qui ? )
Terré j’hiberne. Terré, je hais.
Une bouteille de Bourbon For Roses gît vide de sens sur l’indigente page de droite d’un cahier d’écolier.
Les volutes de santal turriculent sous la houle des haut parleurs. Mon trésor de guerre : un magnéto stéréo Grundig 211 B.
Réverbération : j’attends la délivrance. Echo : j’attends l’étincelle. Rerecording : j’attends la transfiguration du Je en Nous .
Plus que quelques jours et … Paris va devenir une barricade en fête de la Sorbonne à l’Odéon !!!
( extrait de: avoir 20 ans en 68 )