HAUTE INFIDéLITE ...
... HOAX Etcetera
Texte et images extraites
de
QUETTON N°25-26
J'ai débuté à la D.D.N.
C'est là que j'ai fait mes premières armes.
La DDN, plus personne ne se souvient de ce que ça voulait dire à l'origine !
On avait détourné le sigle en Division Dépression Nerveuse. La meute de fonctionnaires européens qui peuplait la cafétéria n'était qu'un ramassis de psychopathes, lèche-culs, fourbes et refoulés, une cohorte de parasites planqués qui devait leur poste aux relations de leur parent. C'est là que j'ai fait mon trou. Je recopiais les rapports de Lambour, mon supérieur hiérarchique, les signais de mon propre nom et les envoyais à l'ambassade américaine avec le tampon confidentiel. De l'amateurisme mais j'étais jeune et inexpérimenté.
Plus tard, le service a été privatisé et est devenu le K.S.D. C'est là que j'ai pris du galon et rejoint l'équipe dirigeante. Sous les ordres d'un militaire trois étoiles, nous œuvrions avec la fine fleur des programmeurs au développement de logiciels surpuissants visant le contrôle des communications des citoyens. Ces crétins de consommateurs s'étaient jetés sur les nouvelles créations de la révolution technologique sans comprendre qu'ils se faisaient fliquer 24h sur 24h . Ils exhibaient sans pudeur leur nouveau maillot de bain ou leur nouvelle maitresse, se vantaient de leurs excès de vitesse ou d'avoir truandé le fisc, tout y passait en 3 D ou en vidéo gag. On emmagasinait les données à ne plus quoi savoir en faire. C'était un job marrant, on espionnait tout le monde, les syndicalistes, les francs- maçons, les sportifs, les chanteurs de rap, les clubs d'échangistes. On organisait quelques fuites sur les réseaux sociaux pour se faire mousser et attirer l'intérêt des puissants sur nos compétences. C'est ainsi qu'est né le projet : Hoax Etcetera .
Un énarque trentenaire a pris la relève du trois étoiles, mis à la retraite d'office avec promotion et breloques et nous sommes entrés dans l'ère du libéralisme non civilisé avec une seule cible l' anéantissement des services publics de santé, de sécurité, d'éducation et de culture. Il fallait exterminer toutes celles et ceux qui se battaient pour la conservation des rouages essentiels de la société solidaire et éclairée d'après guerre. Détruire un modèle social pour que d'autres puissent reprendre ses marchés juteux. Il fallait donner naissance à une société où ne subsisteraient que les grands groupes privés internationaux. Les maffias locales et les sectes religieuses se substituant à l'état pour assurer les besoins les plus élémentaires. Un taf d'enfer payé largement au dessus du SMIG en enveloppes et en dessous de table. Certains le faisaient par idéologie, moi, c'était pour la tune.
Lancer de fausses rumeurs, des alertes débiles, falsifier des photos, monter de fausses conversations téléphoniques, telle était ma nouvelle mission ! Nuits et jours sur internet, twitter et les médias plus anciens, on frappait, déstabilisant un président, ruinant les appétits de pouvoir d'un prétendant, déformant les sondages pour préparer l'opinion à une austérité incontestable. C'était l'âge d'or , fringues, bagnoles, loft, croisières sexuelles, résidences secondaires à la mer et à la montagne... J'étais au top de ma carrière.
Jusqu'à ce jour maudit où j'ai découvert sur internet LA VIDEO. Depuis quand tournait-elle à mon insu ?
75 000 crétins l'avait déjà visionnée. On me voyait sniffer de la coke puis prendre Natalya, une escort girl ukrainienne de 18 ans en levrette. Pas de quoi faire tomber un trader ou le boss du FMI sauf qu'il était précisé que cette pétasse en avait seize et que j'étais poursuivi non seulement pour détournement de mineure mais aussi pour espionnage, fraude et vol de 200 000 documents civils et militaires. La totale !!! D'où pouvait provenir la manœuvre ? Un cyber militant ou un collègue envieux ? Je n'en savais trop rien, j'avais tellement sali de monde. Seule certitude, j'étais cuit, pas moyen de démentir, les fuites s'étalaient partout, Natalya m'avait dérobé de quoi m'envoyer dans un Guantanamo quelconque en toute discrétion. Il me fallait disparaître avant le bracelet électronique et la condamnation à 90 ans de prison. Tout balancé sur le Web et me planquer dans une ambassade ennemie ; les détruire virtuellement avant qu'ils ne me liquident physiquement ! C'était ma dernière carte, un joker médiatique !
Maintenant je croupis au deuxième sous-sol d'une ambassade de merde, je bouffe des féculents, au secret...
Je laisse passer jours et semaines, on m'oubliera... j'ai déjà la solution pour sortir de ce guêpier ; une bonne opération : changer de sexe !!!
Un jour, ni vu, ni reconnu, je sortirai avec l'équipe des femmes de ménages et me fondrais dans l'anonymat de la rue …
Julie Archange / copies à Léon Cobra et au Quetton pour diffusion.