ECRANS de QUARTZ ...
... MARAT-SADE AVENUE
« LA VOIE EST LIBRE »
(extrait spécial pour le numéro Mai 68 du Tréponème Bleu Pâle)
Jean AZAREL / 17 avril 2018
La façon dont nous entendons fêter Mai 1968 n’a rien à voir avec la logorrhée médiatique dont se repaissent les suceurs de moelle de l’empire mondial. D’ailleurs « fêter » n’est pas le bon verbe, encore moins celui de « commémorer ». Il l n’y a pas davantage de recueillement, ou de devoir de mémoire, pas plus que d’héritage à liquider n’en déplaise au petit maître de la République que les français ont foutu dehors.
Mai 1968 est un convoi de bric et de broc qui roule depuis cinquante ans sur les rails de l’irrévérence, un train sans horaires, sans destination, sans gare d’arrivée s’il y eut une gare de départ. Restent les arrêts au bon plaisir des conducteurs et des conductrices qui se relaient à bord de la locomotive. Ce train-là tire des wagons si nombreux qu’il est inutile d’espérer les compter. D’ailleurs il s’en rajoute sans cesse. Il ne marche pas au charbon ni à l’électricité. Il carbure à la poésie, au rock and roll, à la peinture, au cinoche, à l’art brut comme à l’art tendre, au brassage des cultures, à la carcasse en éveil, toujours politiquement incorrecte.
Un besoin ardent de transcender le quotidien traverse les itinéraires. Parfois je n’en peux mais de ce tortillard qui ne mène nulle part même s’il brave encore l’interdit comme au temps de ma jeunesse, mais on n’échappe pas à son destin. Sous les pavés la plage. Sous les wagons les trésors. Ce n’est qu’une escale, continuons le périple. Nous sommes tous des suifs haletants. Le rire des révoltes résonne dans les tunnels, passe les viaducs, les ponts dressés, s’imprime sur des numéros de quais édités à la hâte. Les pensées sauvages montées à la crémaillère transportent les désirs imparfaits en containers où nous piochons allègrement notre pitance.
L’imaginaire voyage sans billet. L’aller poétique se fout du retour marchand. Il saute à nos gorges serrées, respiration coupées. Moult bourroirs comme des écrous implacables au cou des hobereaux. Fini les rodomontades, le ticket des grands soirs en bleu de chauffe. Nous sommes des voyageurs de l’impossible. Nos bagages sont lourds des cadavres de nos frères, les suicidés de la société. Il faudrait pouvoir se délester du chagrin, répudier les anathèmes, brûler les trains d’horreur d’un geste de prince, atteindre Babylone à dos de loutre.
Soyons jusqu’au bout de gentils bad girl and bad boy. La conscience des bourgeois est toujours trop nickel.Nous n’aurons de cesse de l’avoir en ligne de mire pour sauver l’essentiel de nos trips terrestres. Nous réfutons la communauté réduite aux à quais. Notre amour est tatoué sur le vent ; Il voyage en classe inconnue.
La voie est libre.