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Le Tréponème Bleu Pâle
9 décembre 2015

CANAPéS d'ENCRES ...

 

 

... NOVEMBRE en nos AMES

 

 

 

Guest Star

GUEST STAR N° 20:

Géraldine SERBOURDIN

 

 

paris

Géraldine Serbourdin a publié sa poésie délicate et incisive dans de nombreuse revues comme Décharge, Traction Brabant, le Capital des Mots et la Revue Cabaret (une publication qui met en avant les écritures féminines).

Le numéro 35 de la Nouvelle Revue Moderne est entièrement consacrée à son écriture qui rebondit sur des collages de Philippe Lemaire. Un boomerang dévastateur !

Le Tréponème Bleu Pâle vous propose aujourd'hui trois textes totalement inédits, écrits dans les limbes de ce Novembre Noir. Trois poèmes dont certains mots résonnent comme des stigmates:

  • à leurs corps encore se cogner

  • dark rock  &  blues

  • tombe en ma bouche

Du Point Ephémère au Bataclan , le chemin est une longue amputation.

il y a un but mais pas de chemin ; ce que nous nommons chemin est hésitation.( F. Kafka )

 

canapé d'encre

 

Extraits du Recueil

 

NOVEMBRE EN NOS AMES

 

( Géraldine Serbourdin )

 

 

À leurs corps encore se cogner


Mes élans se fracassent  à chaque fois Mes mains se cognent à tous les corps   Ma chair, penaude, est tout ennui Mes yeux s'embuent tout le temps Mes bras se tendent maladroitement, se referment  honteusement, en se résignant, coupables d’envie.

Main sur la bouche.

Oh. Pardon.

Mes mots me reviennent la nuit Affadis Perdus Inouïs
Déformés par des rêves rugueux comme le réel, irritant ma peau qui s écorche. La peau qui se strie le jour des traces du désordre de la nuit, la peau qui se crispe à l’idée de commencer, à l’idée de reprendre, à l’idée  d’aller. A l’idée  de se lever. Les pas alors manquent d'allant. Le matin n’est déjà plus innocent.

 

Mon cœur a mal au cœur Mon corps a de la mémoire.
Et pourtant.
Mes mains se cognent encore à leurs corps. Les corps des hommes me font mal au cœur. Les corps des hommes sont larges. Les corps des hommes sont trop loin, pas à portée de mes mains et déjà morts quand je les touche. Déjà froids.
Les hommes se cabrent quand je les aime et ruent dans les brancards, boudent ou crient, parlent peu et se rhabillent. Me tournent le dos, droits et nus.

Marbres lisses. Beaux à pleurer. Tristes à crever.
Mes caresses tournent à vide. Mes élans se fracassent aux parois. Les contours s'estompent alors et je vois trouble, je confonds, je balbutie, je me perds, je m en vais, l'âme emplie d'amours incompris, la mémoire  pleine de malaimants.
Le geste en suspens.

Oh. Pardon

Main sur la bouche.

Studio_20151205_004713 

illustration: Audrey Chapon

 

 

Dark, rock et blues 

Dans le mois de la mémoire

                                                  des larmes ont coulé

sur des morts trop neuves,

ramassées sur les terrasses encore humides

                                                           des coulées de mousses bues dans la liesse,

se mêlant à du sang  sur du metal hurlant.

Dans le mois du souvenir

                                     des corps se traînent et s’en vont du canal, nous laissent, les suivant

                                       blessés en dedans. Pâles et pantelants.

Dans le mois du recueillement

                                              le silence a été troué de balles,  la terreur a fait taire l’éternité.

Dans le mois du passé

                                             un présent sanglant s’est imposé

et des corps sont tombés en cet automne malade où nous nous raccrochons aux branches des drapeaux.

Dark

                       Rock

                                       et blues.

 

hanuman

 

 

Tombe en ma bouche 

 

Tombe en ma bouche

La colère quand d’autres encapuchonnés roulent, décampe et prient à tort et travers arborant des armes à tuer la chair

de feu les joyeux.

 

Tombe en ma bouche

Le défilé macabre d’images de sépultures de guerre, de charniers et fosses communes car on a traîné

des corps morts que l’on va devoir enterrer.

 

Tombe en ma bouche

L’impossible caresse des mots qui feraient consolation. Le difficile travail du deuil, trop ordonné,

parce que la barbarie ne peut être banalisée et que l’obscénité n’est pas fatalité.

 

Tombe en ma bouche

Les discours obséquieux quand le silence est espéré.

 

Tombe en ma bouche

L’indécente absence de bouches aujourd’hui dans des tombes.

 

hopfer

 ( Daniel Hopfer )

                                     

 

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