... VISAGES de l'EFFROI

 

 

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VISAGES de l’ EFFROI

 

Je déambule au hasard,

dans un Paris hagard.

L'angoisse guide mes pas.

La rue gît morte sous l'effroi.

 

Sur la façade du Panthéon, quatre beaux visages sereins dominent le Quartier Latin : Germaine Tillion, Pierre Brossolette, Geneviève De Gaulle-Anthonioz et Jean Zay.

Devant l'édifice pas le moindre visiteur.

Plus loin, en descendant vers le Jardin du Luxembourg, je dépasse un trio de militaires plus larges que hauts, engoncés dans leur gilet par balle.

Le Boulevard Saint Michel est quasi désert.

Quelques badauds flânent devant les boutiques de mode, jettent un regard circulaire puis repartent d'un pas vif.

Je pénètre dans le jardin du Luxembourg.

Là encore, l'impression de vide est flagrante.

Malgré un beau soleil d'automne, c'est un parc fantôme. Où sont les étudiants, où sont les touristes ?

La fontaine Médicis est bouclée. Impossible d'y retrouver les amants maudits, Galatée et Acis , la blancheur de leur nudité et cet havre de quiétude qui borde la grotte.

Le cyclope Polyphème fait de l'oeil aux gardes mobiles qui protègent la digestion des sénateurs.

Le périmètre de sécurité a été largement étendu.

Paris a peur. La population se cache.

Je suis de la génération Peace and Love.

Je n'ai pas de haine

Quand j'avais vingt ans, l'autre drapeau était trop rouge de crimes contre l'humanité pour que je le suive, le mien était noir comme mon coeur.

Il l'est resté, ça n'a jamais empêché le ciel, celui du dessus comme celui du dessous, d'être bleu après la tempête. *

 

Depuis toujours nous avons chié sur les politiciens et leurs magouilles.

Inutile de revenir là dessus. On remplirait des cahiers entiers sur leur forfaiture, leur incompétence et leur suffisance.

Ils n'ont rien vu venir. Bien sur, isolés dans leur palais, ils ne prennent jamais le métro et traversent les quartiers défavorisés dans des voitures aux vitres fumées ,escortés par une armée de gorilles.

Déjà résonnent l'artillerie lourde des éléments de langage pour nous duper en surfant sur notre émotion naturelle.

Nous sommes en guerre, l'état d'urgence, l'union sacrée...

Les mots, c'est notre domaine, ne nous laissons pas abuser.

Comme tous les pacifistes, j'adore les films de guerre mais là franchement ?

La Guerre ? ??

Je suis suffisamment âgé pour me souvenir de mon grand père gazé dans les tranchées. Ses deux croix de guerre et son mutisme sur ces quatre années d'enfer sont là pour me remémorer ce  qu'est une véritable guerre.

Encore gosse, je me souviens des sacs de sable devant les commissariats pendant la guerre d'Algérie, des attentats de l'OAS, des affrontements de Mai 68 puis bien plus tard des premiers carnages  du GIA dans le métro Saint Michel et au RER Port Royal.

A cette époque, j'habitais juste à coté du Val de Grâce et la nuit électrique ne fut que mugissements de sirènes et klaxons d'ambulances.

Nous avons l'habitude de vivre des éclats de chaos.

Ce n'est pas la guerre mais des actes de guérilla urbaine menés par des commandos suicides assassinant à l'aveuglette.

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Il y a eu Charlie hebdo et maintenant le Bataclan. Ils attaquent ce qu'on a de plus cher : notre presse satyrique et notre musique préférée. Tuer le Hippy en nous pour réveiller le combattant... grossier !

J'ai connu cette salle de concert dans les années 80 ; ma fille y était encore dernièrement et j'ai mal pour toutes ces familles dévastées .

Sur le coup de la colère et de la douleur,devant une telle hécatombe, j'aurai pu gueuler : balançons une bombe atomique sur Rakka ! Le lendemain, j'étais déjà plus clairvoyant.

Nous entrons dans une nouvelle ère.

La TERREUR est un échange de signes de puissance entre les politiciens qui détiennent le pouvoir par le suffrage universel et ceux qui veulent le prendre au nom de leur dieu. ( Bien qu'il s'agisse plutôt là d'une organisation criminelle de type sectaire )

-Tu me bombardes.

  • Je pose des bombes sur ton territoire.

Tel est le rapport de force instauré entre l'état et les terroristes

 

Il faut s'y faire ; Les temps ont changé et malheureusement pas dans le bon sens.

C'est un crève coeur de voir le drapeau noir des libertaires déployé pat les tueurs de l' E.I.

Les Seventies ne sont plus qu'un lointain souvenir et nos gosses devront vivre avec de nouvelles calamités : pollution, terrorisme, précarité, virus (et pas seulement informatiques ).

 

La puissance prise par les réseaux sociaux est une nouvelle dimension que je ne maitrise pas car je ne pratique ni Twitter, ni FaceBook. Nous touchons là une accélération du spectacle. En direct le terroriste se fait sauter tandis que sa victime le filme. Les deux envoyant en même temps les images sur le net.

Big Brother n'en revient pas ; la confusion est totale, la panique générale !! !

 

Nous n'avons pas à faire le sale boulot. Une société organisée dispose du remède : ses forces spéciales, ses espions, ses fonctionnaires de police, ses miltaires.. Ils ont simplement besoin de temps , d'argent , de soutien et de moyens modernes.

 

L'union sacrée ne durera qu'un temps. Déjà les politiciens à l'affut haussent le ton,  voulant marquer des points dans les sondages. Déjà les philosophes de l'ingérence ,de l'indignation,du joliment vide, hurlent avec les loups. Ils se reconnaitront avec aisance dans la phrase de Dario FO L'indignation est l'arme la plus redoutable du couillon .

L'Union sacrée ? Le gouvernement n'a pas  besoin de la décréter. Bizarrement ce sont les terroristes qui l'ont faite contre eux en ciblant le 11ème arrondissement et le 9-3. Elle s'est faite naturellement. Les habitants des quartiers populaires refusant toute empathie avec eux.

 

Pour l'instant, j'observe. Je ne hurle pas à la mort de la démocratie. Cette belle et noble démocratie qui nous permet d'élire tous les cinq ans un guignol qui ne respectera pas ses promesses et qui n'a de compte à rendre à personne.

Dans une entreprise, il serait licencié. Pas notre monarque républicain.

Quant aux députés, eux, s'ils foirent au niveau national ils peuvent toujours aller siéger au parlement européen !!! C'est ça le système D. ( D comme démocratie ).

Non, je ne hurle pas au putsch anti démocratique. D'ailleurs l'abstention est en train de devenir le sport national. C'est tout dire.

 

Non je ne hurle pas. Je suis silencieux.

On sent une telle angoisse dans les rues et les transports en commun qu'il faut sécuriser les gens dans leur tête pour qu'ils retrouvent simplement l'insouciance de marcher.

Ensuite j'espère qu'ils enlèveront leur casque, couperont leur portable et parleront enfin à leurs voisins.

Non, je ne hurle pas. Je suis simplement vigilant. Nous voulons tous la même chose : de la simplicité, de l'efficacité , de la franchise, le respect de notre mode de vie et la liberté d'expression.

Je suis parisien depuis deux générations.

Paris, c'est ma ville, je l'aime et j'ai envie d'y vivre en paix. Je veux l'entendre hurler : Rock & Roll et danser jusqu'au petit matin  en hommage aux victimes du Bataclan !!!

 

Léon Cobra  ( Jeudi 18/11/2015 )

 

* J'ai emprunté ce bout de texte à Jean Azarel, l'auteur de PAPY BEAT GENERATION, réalisé avec Lucien Suel et Alain Jégou, disparu trop tôt.  Merci à toi , amigo.

 

 

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