Un jour, un fantôme ...
... ROUTE 66
Sur la Route 66, j'ai croisé l'alcoolique, le conformiste et l'escroc.
Il y a 46 ans, on jouait la même partition mais les notes ont singulièrement muté.
Le morceau est devenu inaudible...
Nous avons parlé des anciennes, celles que l'on a perdu de vue.
Nous avons évoqué les derniers disparus.
La rubrique nécrologique gagne de nouvelles pages dans la gazette des amis malgré nos ratures d'amnésie.
Sur la Route 66, les silhouettes ont vieillies, les cheveux ont blanchis, les cicatrices sont béantes ; les corps sont méconnaissables.
Sur la Route 66, certains n'atteindront pas la soixante septième année. Leur chemin s'arrêtera au Croisement. Pas la faute à Dieu ou au Diable, juste au temps, à la fatigue, à l'épuisement …
Je n'ai pas soufflé ma soixante sixième bougie ; plus capable d'enchainer les 2' 20 de duckwalk de Chicago à Santa Monica avec le fantôme de Brian Jones écrasé sur le pare-brise.. Mon dernier pas de danse, ce fut pour when I'm sixty four des Beatles, un swing à mon rythme, parodique et rétro.
Sur la Route 66, la nostalgie nous ravage, nous devenons des caricatures ambulantes. On ne reconnaît même plus le Vieux Monde qu'on voulait flinguer. C'est lui maintenant qui nous explose les tympans, le cerveau et les yeux avec ses nouvelles prisons virtuelles et son peuple de dévots.
Sur la Route 66, ces temps qui changent, ont toujours le phrasé de Bob Dylan et nous sommes hermétiques au reste.
Sur la Route 66, nous ne sommes plus comme lui, qu'une espèce en voie de disparition, abandonné à la morgue des sociologues dans un sous chapitre du catalogue universel.
Sur la Route 66, on veut me faire croire que j'avance simplement, que je ne progresse plus...
La bonne blague, souviens-toi du refrain final :
Get your kicks on Route 66 !
Route 66 - The Cramps