... Un lift pour Tanger ( suites )
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FANTAZIA
(Jette ma tête tranchée dans les cendres froides.. ! )
CROSS ROAD COBRA
( 1 )
Osselets d'albâtre
l'odeur féroce de la nuit
Tambours funéraires
Une peau de chèvre
ce grand cœur qui bat la chamade
le gout du mouton braisé au crépuscule de Djemâa el Fna
Le verbe sacré… Bismillah !
Convulsions, incantations.
Les danseurs noirs tout de blanc vêtu tourbillonnent dans la poussière.
Leurs tambours résonnent dans les vallées lointaines. C'est l'heure du rituel. Les djinn prennent possession de la place. Les charmeurs de serpents ont sorti les cobras noirs de leur panier. Luisants, ils se dressent, crachotent, sifflent et délivrent le message: tu vas payer le prix !
Je me faufile entre les échoppes des artisans et les gargotes. Allumez flambeaux, braseros et lampes au kérosène ! Une odeur tenace de brochettes, de cuir rustique, d'épices. Les escargots des sable me fascinent, j'ai presque envie d'en gouter, minuscules gastéropodes blancs, gris, jaunes; comme des billes cosmiques…
Exorcisme, dyafa.
Je quitte la place m'engouffre dans les ruelles dans le dédale des souks. Je tourne à droite, deux fois puis à gauche, une autre fois, c'est juste à coté d'une herboristerie, c'est là. Joëy m'attend avec les sacs à dos pour mettre les voiles direction l'auberge de jeunesse. On a passé notre première nuit, ici, dans cet endroit incroyable. La piaule la moins chère de la médina. Rien dans la pièce, strictement rien, juste deux nattes, une ampoule nue qui pend d'un fil électrique et une fenêtre qui donne sur une impasse bruyante, enfumée, sombre. Les puces vertes nous ont trouées la peau. Nous n'avons pratiquement pas dormi tant le sol était dur.
Tourbillons de sable, tornades humaines, extases. Les rumeurs de la place Djemâa el Fna s’éloignent.
Direction l'autre bout de la ville au milieu de la cohue des bagnoles et des fiacres des touristes du Club Med . Nous avons réservé nos places cet après-midi lors d'une reconnaissance. Ce sera dortoir, les filles d'un côté, les mecs de l'autre. Pas vraiment la joie mais y'a des sanitaires et un petit jardin. Les hôtels sont trop chers et nous n'avons pas de tente de camping. Une solution intermédiaire et provisoire pour se laver et récupérer. Après Casa où nous étions hébergés et le trajet en bus, c'est vraiment le début du Trip et nous avons besoin de reprendre nos marques et nos réflexes de routards.
Une note
La note ultime
Le sérum de vérité
Très haut
Dernier étage
L’assemblée des Morts
Auberge de jeunesse de Marrakech/ Premier soir/ coté garçons.
Complètement kiffé, je serre les dents et résiste à l'envie de me gratter. C'est encore plus dur défoncé. Fixer ma volonté sur le non. Penser à autre chose qu'aux démangeaisons. Mon voisin de lit range le shillum, c'était sa tournée de bienvenue, il m'a pas raté, l'enflure.
J'ai décidé de le surnommer Ali baba.
Il est grand, squelettique, le crâne rasé avec une immense barbe d'imam. La coupe, c'est le cadeau des douaniers de Ceuta, la boule à zéro contre le visa d'entrée. Il enlève sa djellaba blanche ; sous les aisselles des auréoles de transpiration de quinze bons centimètres. Il porte un maillot de bain à rayures bleues et noires complètement difformes. Il grimpe sur le lit en face du mien et place son vêtement sous sa tête. Ce mec ne possède en tout et pour tout qu'un sac de jute, cette djellaba crasseuse, son slip de bain et une paire de sandalette. Son regard est totalement halluciné, il me rappelle le Satan de la Salvation Army à Bombay, le mec qui se contorsionnait dans les couloirs de l'institution en poussant des jappements d'animal.
Ali Baba fixe le vide de longues minutes puis ses ongles qu'il n'a pas dû couper depuis des mois, de véritables poignards. Il peut trancher n’importe quoi avec ses pinces coupantes.
Il les récure méthodiquement avec une allumette brisée puis il se masse longuement les paupières, c'est interminable. Il se dit quelques mots que je ne peux saisir puis se gratte le dos, lui aussi a été bouffé par les puces. Je voudrai dormir mais c'est impossible dans cet antre de flippés. Ali baba continue sa toilette intime; il se débouche les oreilles en les faisant claquer lourdement puis il balance ses crottes de nez dans le vide du couloir de séparation de la chambrée. Il jette ensuite un regard circulaire pour constater que personne ne l'épie, saisit une bourse de cuir dans son sac berbère contenant soixante grammes de hash, du zéro-zéro de Keitama et ses derniers dirhams et enfouit le tout dans son maillot de bain bien au chaud contre ses couilles. Il s'allonge puis tente de s'endormir en vain. Il se retourne alors vers moi pour m'inonder d' ineffables histoires de défonces sans même vérifier si je dors ou si je suis éveillé.
Puces, punaises, vertiges, allergies...
Faut que je me tire au plus vite de ce merdier, doit bien y'avoir un coin peinard à Marrakech, faut trouver le bon plan !!!
Vénus Anadyomène
Vénus Hottentote
Vénus in mars
Vénus Virus
Venin Chagrin
DEMAIN
– Vous habitez dans cet hôtel ? C'est bien ? balance Joëy
– Vous voulez rentrer voir ?
Les deux français doivent avoir vingt-cinq ans. Des Freaks, patchouli, tunique marocaine, pantalon indien, colliers, bagouzes, les cheveux longs teints au henné.
L'hôtel est super clean: mosaïque, fontaine, électricité, sanitaires à l'occidentale. Deux femmes de ménages s'activent dans l'escalier et le patio.
On pénètre dans leur piaule.
- Vous voulez du Thé ? fait le plus grand des deux.
- Ouais .
- Je remonte une autre théière.
Il disparait. Ils ont un plateau de cuivre et des petits verres à thé dans un coin de la pièce.
- Vous venez d’arriver ? fait l’autre.
- Tout juste et vous ?
- à Marrakech, ça fait huit jours . Avant on était à Keitama, on a acheté deux kilogs de shit. On en deale un ici puis on part en Crète vers Matala. Vous voulez en acheter ?
- ce qu’on cherche, c’est une bonne piaule.
Il arrache la notice accrochée à la porte et nous la tend.
- un peu cher ! qu’on fait
- Si vous restez une semaine le boss vous fera un prix…
- Non, c’est trop pour nous.
L’autre revient avec une théière pleine et nous sert.
- Alors on s’le goutte ?
- OK !
Nous sommes ressortis de l’hôtel ; Joëy m’engueule :
- Pauvre con ! tu lésines sur les piaules et t’achètes cent grammes à ces mecs.
- C’était cadeau, quasiment la moitié gratos et c’est du bon… J’ai ma réserve pour le séjour.