... un lift pour Tanger
TETOUAN
( 4 )
Cross Road Croc
Mark accoste un moustachu, il lui cause en espagnol ?
Marché conclu, il veut bien nous conduire au poste frontière, on le paye, il prend nos passeports, on subira un petit contrôle ?
Ce soir, on devrait dormir à Tétouan ! Inch Allah ?
Pour Chris et moi, on doit mettre nos tifs derrière les oreilles, mon pote aura un beau bonnet en laine !!!
Il est heureux !
Ce chauffeur me semble être un magouilleur de première…J’ai pas confiance en lui…
Nous avons donné des pesetas à Mark pour payer notre passage ?
On met nos sacs dans le coffre du taxi, Chris, Anne et moi à l’arrière ;le grand costaud à côté du moustachu …
Il fait quasi nuit, j’ai les jetons !!!
Et, si on se faisait attaquer sur cette route et dévaliser ? Ou, pire ?
Chris rigole…Jaune !
Trente minutes que nous roulons par une moiteur accablante, on a croisé d’autres taxis…
Presque pas d’habitations éclairées…Mark cause avec le chauffe !
Quelques lumières blafardes…Des douaniers espagnols regardent négligemment nos passeports, cachet de sortie et une lampe-torche en pleine poire pour examiner nos portraits !
C’est bon, on passe the boarder…
Afrique ! Me voilà !!!!
Les marocains sont nettement plus tatillons, on doit sortir de la voiture : un bureau miteux avec au mur la photo du roi…
Je regarde Chris : il est ridicule avec son petit bonnet en laine et ses grandes oreilles !
Moi aussi j’ai l’air d’une cloche, en plus je transpire et j’ai des crampes au ventre.
Pour les amerloques, cela passe comme une lettre à la poste…
Pour nous, les douaniers se font tirer l’oreille : ils veulent connaître l’endroit où nous logerons au Maroc ?
J’ai noté le nom de la pension Chechouen sur un papier !
Ouf ! Nous les avons nos cachets d’entrée…
Le chauffeur transpire et commence à nous arnaquer : on doit régler une nouvelle course vers Tétouan ?
On paye !
On repart sur une route encore plus noire !
Tout l’environnement me paraît hostile, j’ai la trouille !
Nous avons été stoppé par une voiture marocaine, deux mecs moustachus en sont descendus et nous proposent du kif ?
Mark achète une barrette plastifiée…
Je tousse et j’ai envie de vomir…Chris chantonne bêtement un truc d’Antoine…
Quelques lumières nous annoncent de la vie et une ville, nous arrivons dans Tétouan…
C’est pas comme chez nous ?
Pas de bistrots ? Pas de musique ? Quelques silhouettes avec des robes qui rasent les murs !
Le Maroc ? J’en ai plein le c….
Arrêt devant un petit hôtel, le moustachu nous explique que c’est : « good hôtel ! cheap price ! ».
Salut et à la prochaine, escroc !
Un petit mec nous demande de remplir des fiches ? Oui ! Mais demain !
Le prix est en dirhams…Faudra changer nos ronds demain.
C’est assez chérot ! Une chambre pour quatre, on a décidé de rester groupé…
Ce bouge ressemble fort à un lieu de traquenard qu’à un hôtel.
Deux lits douteux, une table, deux chaises…Les chiottes et un évier sur un des paliers.
Y a des mecs qui dorment sur le sol, partout ? Cela pue des pieds !
Mark a remarqué que la serrure est en mauvais état !
Il cale une chaise contre la porte.
Les duvets sont installés sur les lits, à ma montre, c’est minuit passé.
Anne nous offre une grande bouteille de mineral water !
Nous avons un paquet de biscuits « petit beurre »…C’est la soirée du partage.
Chris a fait une expédition vers les chiottes ! Il confirme que c’est merdique !
Mark veut fumer du kif avec nous…Il prépare la petite pipe de terre cuite…
Et, on se la passe et repasse à tour de poignet…
C’est vrai que le kif calme et rend euphorique…On ne surveille plus la porte, on cause et on fume…
Brouhaha sur le palier, des voix, des cris, on frappe à la porte ?
On continue à roupiller…Le soleil est bien présent…
Tétouan s’est éveillé sans nous !
TANGER
Le soleil tombe sur Tanger
sous les reflets des narguilés
un enfant dans la grande mosquée
regarde le ciel se voiler
Et la pâleur des miradors
recouvre très lentement le port
tout en haut de son minaret
la ville blanche rêve désormais
Ouatés du pétillement du kif
les limbes de la nuit du Rif
envahissent le thé à la menthe
semant douceur et somnolence
Le soleil tombe sur Tanger
et sur la mosaïque bleutée
un triste corps gît allongé
dans le dédale des vanités
Léon COBRA / 1971