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Le Tréponème Bleu Pâle
9 février 2011

BORN TO LOSE ...



... SO ALONE



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En complément de ma série la Fabuleuse épopée du Rock:

http://leoncobra.canalblog.com/archives/2010/11/29/index.html


Passez une nuit LIVE au Gibus avec Johnny Thunders !


johnny




 

You can’t put yours arms round a memory

 

 

Ce qui est terrible à mon âge, 61 ans à 12h35, 62 au treizième coup de minuit, c’est la luminosité ! L’éclairage tu le prends en pleine poire, pas un cadeau ! Les rides ressortent pour dessiner de sinueux chemins de croix autour du front, aux commissures des lèvres et bien sur de monstrueuses cernes autour des yeux. FIAT LUX … la lumière te sculpte, ses rayons blanchâtres, jaunâtres, verdâtres,

bleuâtres, te peignent en relief… Lumen, cette vérité qui oblige tous les pigistes de magazines Rock à disparaître derrière leurs lunettes de soleil, Ray Ban Aviator de préférence. Lumen, même au fin fond des caves de répétition les plus obscures, lumen même sous les sunlights givrés-coruscants-fluides des Zéniths de province et surtout sous les projos des plateaux de télévision. Des crevasses dissimulées sous le fond de teint térébenthine de la nouvelle pate à (re)modeler !!! Pauvres choux et la légende bordel : le rock, ça marque et ça conserve !!! Je ne sais plus quelle enflure a sorti ce poncif définitif mais faudrait assurer, les mecs : montrez la, votre gueule ravagée par la vie ! Faut croire qu’ils ont tous un contrat exclusif avec un opticien…

C’est dingue ce que les enfants du rock ont du mal à passer la soixantaine… overdoses, suicides, accidents de bagnoles, sida , défenestration ou même pire recyclage comme animateurs de télé-réalité ou de centre commercial, arrêtez le massacre !

 

Alors je ne vous dis pas le plaisir vicelard que je me prends à feuilleter un magazine rock en commençant bien sur par la rubrique nécrologique. Ah ouais, celui là, je l’ai vu sur scène en 1966, 1969, 1976, 1979…

Si loin, si proche ; nos héros guitaristes.

Tiens, Johnny Thunders, son concert au Gibus, c’était en quelle année déjà ? C’est bizarre, je n’arrive vraiment plus à le situer.

 

 

 

18, Rue du Faubourg du Temple. Un couple très punky se dirige vers le Gibus, je leur emboîte le pas et descends les marches qui conduisent au club. Trois gorilles les soulagent de 30 balles et leurs refilent un ticson donnant droit à une consommation. Un type plus âgé est assis à coté d’eux et repère les nouveaux venus sur le circuit audiovisuel qui filme l’extérieur. Un vieux mégot juteux pend collé à sa lèvre inférieure. Je me dirige tout droit vers lui.

- Bonsoir, est- ce que Marc Blanc est arrivé, je dois l’aider à installer la sono ?

- C’est quoi ton nom ?

- Cobra !

Il jette un regard évasif vers des feuilles éparses qui trônent entre une bouteille de bière, un paquet de cigarettes et des gâteaux secs.

- Vas-y. Il est au bar. Il t’attend.

 

Putain, la vielle sono d’AME SON… Elle qui a connu la ronde infernale des galas et festivals de l’ère Psyké ; Amougies, Biot, Orange et cinquante MJC de merde entre Strasbourg et Chaville, la voilà recyclée comme une vieille pute au service de la culture Punk ! C’est comme ça qu’il assurait les fins de mois, Marco. Pas trop compliqué comme job, pousser tous les boutons à fond et espérer qu’aucun court circuit ne brise net le show. Elle avait supporté The Damned ; elle tiendrait bien encore ce soir. Le plus chiant, c’était de décharger le mini-bus, de descendre l’escalier avec les enceintes et la table de mixage et de remballer à l’aube . C’était la deuxième fois que j’opérais avec lui, juste pour le fun, pour rien au monde je n’aurai raté le mythique Johnny Thunders ! De son vrai nom John Anthony Genzale Junior, né le 15 Juillet 1952 en Floride, guitariste soliste des Dolls de 1972 à 1975 en pleine période de Glam Rock. Il quitte ensuite les NYD avec le batteur Jerry Nolan pour fonder les Heartbreakers avec Richard Hell, ancien bassiste de Television. De rupture en reformation, le revoilà surfant sur la vague Punk. Ce soir au Gibus bientôt à cinq mètres de nous…

Marc déroule et branche les derniers câbles, je me dirige vers la pizzeria et m’installe près du flipper commandant une Quatre Saisons et un pichet de rosé.

 

 Je repense à Aspic dans ce décors bateau, c’est lui qui m’avait traîné presque de force au Gibus par une nuit de Novembre… «  Tu vas voir, mec, un truc dément, des gosses de 18 ans qui jouent le Rock comme personne. C’est speedy, dirty, les Mods des années 66, les Who de My Generation, les Troggs de I want you, du TNT ! Tu vas en prendre plein tes oreilles de vieux con… »  Métal Urbain jouait ce soir là. Sur, j’ai dégusté, j’m’attendais pas à cette avalanche de décibels, ce mélange d’acier parasite, hurlant, geignant, dégueulant sur mon orthodoxie musicale. J’ai pas compris l’ombre d’une parole dans leurs textes, même sans batterie tout était saturé par le rif des guitares mais l’électrochoc est passé, ça me semblait nettement plus intéressant que le jazz-rock qu’on distillait ici auparavant. Y’avait une pulsion véridique, un feeling… Pas celui de la maîtrise technique et de la virtuosité mais celui de la révolte, de la gangrène, de l’envie de jouer sans complexe. Le monstre dont le Flower Power avait accouché était là dans toute sa laideur, dans toute son authenticité. La génération du Néant se mettait à vivre ou plutôt à se suicider dans un fracas destructeur ! Ce coté nihiliste me plaisait bien, j’étais converti…

 

Mongolo était un mongolien. La batterie hachée, le synthé, c’est Devo… Mongoloïd. Un Teddy-Boy de magazine branle le flip et fait vibrer mon assiette. Une folle, cheveux oranges, tout en skaï mauve traîne son copain avec une laisse de chien . Il a les lèvres tomate mure et son jean en haillons balaye le sol. Les lunettes noires, les tennis blancs, les badges brillent sous les projos en une ronde maladive. Sex, drugs & rock’n’roll diffuse la sono. Je m’essuie la bouche et passe de l’autre coté. La foule commence à arriver. Johnny Thunders et ses Heartbreakers, enfin ce qu’il en reste, ne doivent pas passer avant 1 heure du matin mais personne ne veut rater le fondateur des New York Dolls. Trois filles s’envoient valdinguer par des charges à l’épaule répétées sous les regards absents du public. Le DJ enchaîne avec Anarchy in the U.K. des Pistols. Johnny Rotten crache son venin : «  je ne sais pas ce que je veux mais je sais comment l’obtenir. Je veux tout casser, tout détruire. Je veux être Anarchie ! » Les danseurs de Pogo envahissent l’espace libre, se bousculent, se battent, braillent et cassent quelques canettes de Kro. Un blondinet à crête en débardeur délavé sautille sur les tessons déformés par les flashs du stroboscope, les liquettes blanches de détachent phosphorescentes puis la fièvre passe et l’assemblée se tortille en cadence sur le Punky Reggae Party de Bob Marley.

 

Le Gibus se remplit. Les musiciens d’Asphalte Jungle, le sombre Pacadis et sa bosse de dromadaire, tous les descendants parisiens des Stooges et des Fugs… C’est la déferlante… Ramones, Iggy, Clash, Damned… La salle est fin prête à accueillir enfin la star. Je m’accoude au bar, juché sur un tabouret, accroché à ma bière. Avec Marc on se regarde, il y a comme un décalage, nous ne sommes plus réellement acteurs comme en 1969 plutôt des spectateurs presque des voyeurs. J’ai atteint la trentaine et tout ça me parait un peu réchauffé…

Johnny arrive par derrière la scène avec ses musiciens et se branche. Il est complètement raide, il attaque sous les applaudissements. Le son est saturé mais les voix dominent l’ensemble, Marc a bien réussi la balance. Il ne reste plus au groupe qu’à pousser leurs amplis à fond pour se couvrir mutuellement dans la pure tradition du Punk LIVE …Jean-Pierre Kalfon s’est installé sur l’estrade au pied du groupe avec une bouteille de champagne qu’il passe à Johnny T. entre les morceaux. Celui-ci boit au goulot puis enchaine. Avec son groupe Kalfon Rock Chaud, il se la joue, lui aussi french Heartbreakers, déglingue assurée comme aux plus belles heures de

la Coupole.

Il

roule un énorme joint, émiettant le shit et le passe à Johnny qui n’a plus assez de main pour tenir le pétard, le champ’ et sa guitare ; n’importe quel gus se serait écroulé mais il tangue simplement et enchaine ses morceaux sans trop se planter, la voix chevrotante, incertaine, fulminante, sensible  et la rythmique saignante. Je suis totalement bluffé ! Il termine son set avec London Boys et son génial Poor little puppetts ( pauvres petites marionnettes ) dédié aux Sex Pistols.

 

 

Applaudissements à tout rompre… Johnny T revient pour un bis … Great big kiss peut être ou autre chose, je n’en sais trop rien. Trou de mémoire… ce qui est sur, c’est que la sono d’AME SON a tenu le choc et Johnny Thunders aussi malgré ( ou grâce à ) la quantité de drogues et d’alcool consommés. Seul, Keith Richards, ou un mammouth auraient supporté une telle charge !

 

 

Johnny Tonnerre est mort le 23 Avril 1991. On a retrouvé son corps dans un hôtel miteux de

la Nouvelle

Orléans

. La police a conclu à un décès par overdose, certains observateurs prétendent qu’il aurait été passé à tabac et dévalisé, qu’il ne se shootait plus à l’héroïne puisqu’il suivait un traitement à base de méthadone. Johnny Thunders en cure de désintoxication ? Tous ceux et celles qui étaient avec moi ce soir là au Gibus en rigolent encore planqués derrière leur Ray Ban Aviator !!!

 

Cobra / 11/01/2010 22:33:27

 

 

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SO ALONE

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