N’écoutez pas ces politiciens vicieux qui comparent le
conflit actuel à Mai 68 ; ça n’a strictement rien à voir ! Pour ceux qui ont la mémoire courte relisez
tout simplement ces deux textes publiés par le
Tréponème Bleu Pâle en Mai 2008.
Le mien pour saisir l’époque :
FLOSBURY FLOP
Imaginez un monde sans magnétoscope, sans DVD, sans MP3, sans
digicode, sans Canal+, sans parabole, sans télécommande, sans ordinateur, sans
téléphone portable, sans vidéo surveillance .
Imaginez un univers sans technologie de pointe ( acérée !?!
). Pas de carte à puces, pas de carte de crédit, pas de carte orange, pas de
carte bleue, pas de carte Vitale, pas de carte de fidélité, pas de permis à
point, pas de distributeur de billets, pas de super-marché, pas de radio libre ,
pas de fax, pas de TGV, pas de CD,pas de micro-onde, pas de caméscope, pas
d’appareil photo numérique, pas de RER, pas de fast food.
Imaginez les Stones avec Brian Jones et Bill Wyman, Jimi
Hendrix pilotant son Experience, jim Morrison ouvrant les Portes de la Perception. Imaginez
Imaginez un service militaire obligatoire d’un an et des étudiants
envoyés exprès en Allemagne. Imaginez un passeport bleu, des visas, des
monnaies différentes dans toute l’Europe, des douaniers et des bureaux de
change. Imaginez un mur à Berlin, deux Allemagne, une Yougoslavie et l’URSS.
Imaginez des dictatures en Espagne, au Portugal et en Grèce. Imaginez un parti
communiste français qui pèse 20 % aux élections. Imaginez une guerre au Viet
Nam où l’oncle Sam s’embourbe.
Fermez les yeux… Bienvenue chez les Soixant’huitards
!!!
Léon Cobra
et celui du Capitaine Apogée pour comprendre l’état d’esprit
d’un jeune de 20 ans en 68 :
La nuit du 10 mai
Il est 21 h quand j’arrive boulevard Saint-Michel. Il y a
beaucoup de monde, des étudiants, des lycéens et des curieux aussi. Je descends
le boulevard, c’est un peu une atmosphère de kermesse, on se promène, on
discute, on s’assoit par terre en rond pour échanger idées et infos, ici
commenter l’attitude du PC qui est au centre de bien des conversations, ou là
écouter un journaliste revenant de Tchécoslovaquie…
Mais à chaque coin de rue autour de la Sorbonne et vers la
place Saint-Michel les CRS sont là en nombre… On écoute la radio, des gens ont
même mis leur transistor aux fenêtres de leur appartement. C’est le début du
dialogue de sourds entre Geismar et Roche.
Peut-être parce que tout le monde se doute que cette attente
va aboutir à quelque chose de grave, certains commencent à dépaver, et des
barricades commencent à s’ériger surtout rue Gay Lussac, faites exclusivement
de pavés au début… Plus le temps passe, plus les barricades se montent en
utilisant cette fois voitures renversées, poubelles, poteaux, palissades, etc…
Le quartier de la rue Gay Lussac ressemble à un camp retranché. On sait par la
radio que le dialogue est rompu avec le gouvernement. Les bars se ferment, les
gens aux fenêtres s’inquiètent, on se doute maintenant que ça va inévitablement
se terminer en baston. Je me retrouve rue d’Ulm en compagnie de deux filles
équipées de cirés et de casques. Des normaliens aux fenêtres ou sur le toit
refusent de se munir de projectiles, ils ne veulent pas tuer de flics
disent-ils. « Salauds de pro-chinois » leur crie une des deux
filles…
Au bout de la rue d’Ulm en face le Panthéon il y a une très
haute barricade de plus de deux mètres, je monte en haut du petit immeuble en
construction à l’angle. Quelques mecs y sont déjà, munis d’énormes parpaings et
de boîtes de clous. D’ici on voit la rue et on aperçoit quelques centaines de
CRS massés. Je préfère ne pas rester là…
Je retourne vers la rue Gay Lussac où l’on commence à
fabriquer des cocktails Molotov.
Devant les barricades les munitions s’amassent : clous,
pavés, etc… tout ce qui peut être lancé. Et puis l’on apprend tout à coup par
la radio que les flics chargent la première barricade boulevard Saint
Michel ! Les curieux, les vieux intellos sympathisants, les lycéens pour
la plupart quittent le terrain. Nous nous barbouillons la figure de bicarbonate
de soude contre les gaz lacrymogènes…mais on nous avertit que les CRS utilisent
aussi des bombes au chlore, et par crainte de la réaction chimique il faut
enlever ce bicarbonate. Des gens à leur fenêtre nous lancent des citrons dont
le jus imprégné sur un mouchoir est efficace contre les gaz. Des vielles dames
nous descendent avec une ficelle des paniers remplis d’oranges et de gâteaux.
Des mots d’ordre contradictoires se succèdent. Le meilleur est d’écouter les
transistors qui informent de l’avance des CRS. On apprend que tout le Boulmich’
est envahi et que les premières barricades de la rue Gay Lussac sont tombées.
Les pompiers consternés n’arrivent pas à ranimer un gazé. Je
remonte le courant des fuyards souvent blessés. Dans les porches des immeubles,
des médecins et infirmiers ont improvisé des postes croix rouge. Des blessés
graves sont amenés sur des civières : des bras cassés, des visages en
sang, des évanouis…
Au bout de la rue Gay Lussac, vision extraordinaire,
apocalyptique, je me crois en pleine guerre civile, les combats font rage,
toutes sortes de projectiles s’écrasent sur les CRS. Des grenades et des bombes
au chlore éclatent en faisant un énorme vacarme. Les barricades prennent feu,
les réservoirs des voitures explosent. Cris de douleur, clameurs de rage,
insultes, slogans. Du toit des immeubles sont lancés des cocktails Molotov, ça
flambe sur la chaussée comme du napalm. On ne peut plus respirer, je m’enfuis.
Dernière vision en me retournant, impressionnante : des centaines de CRS
chargent au pas de course, une vingtaine de manifestants casqués et masqués les
attend en chantant l’Internationale au milieu des flammes de trois mètres de
haut. On essaie de revenir vers eux mais c’est irrespirable, alors à notre tour
de clamer l’Internationale puis un énorme CRS SS, et tout le monde se retire en
désordre.
Je retourne rue d’Ulm.
Un bruit court : on raconte que des ouvriers de la
banlieue nord se battent contre les CRS à Strasbourg Saint Denis et qu’il faut
tenir le coup jusqu’à ce qu’ils viennent nous rejoindre. La nouvelle bien que
douteuse est accueillie avec ferveur, si c’est vrai c’est la révolution !
Mais beaucoup de monde fuit vers la rue Claude Bernard qui
n’est pas encore barrée par la police. La barricade du bout de la rue d’Ulm est
en feu et les flics ont pris à revers ses défenseurs.
Nous sommes devant Normale Sup, le jour se lève. On demande
de l’eau aux habitants contre le chlore, on nous en envoie des seaux. Je suis
trempé. Je vois que les CRS ont pris toute la rue Gay Lussac, nous allons être
encerclés. Des flammes partout, surtout les voitures. Les flics sont au bout de
la rue, ils arrivent. Chacun prend son pavé ou sa poignée de clous, on attend.
Heureusement tout à coup Normale Sup nous ouvre ses portes, c’est la ruée dans
l’école. Nous grimpons les étages. Je me retrouve avec d’autres sur le toit,
pour voir si on peut s’enfuir… mais les rues sont noires de CRS, on voit
quelques mecs isolés qui résistent encore en lançant des pavés. Les CRS nous
ont vus et nous lancent des grenades au fusil. C’est très risqué de rester sur
le toit, mieux vaut rentrer. La police a encerclé l’école, que va-t-elle
décider ? A tout hasard on a construit des barricades de chaises et de
tables dans les escaliers. Mais rien ne se passe. On squatte les chambres des
normaliens pour se reposer. Il est 7 h quand je monte avec d’autres dans un
grenier rejoindre un groupe qui a la radio, on somnole, on écoute les
commentaires des journalistes. Vers 8h et demi on peut partir un par un ou en
petits groupes, les CRS ne sont quasiment plus là.
Je prends le métro à Censier Daubenton au milieu des gens
qui partent au boulot. Je suis très sale, crevé, hagard. Les gens me regardent
bizarrement … Je retourne dans ma piaule minable sans fenêtre d’un meublé de
Montmartre, je n’ai plus de boulot, j’ai été démissionné, je fréquentais plus
les manifs que mon lieu de travail, mais je suis ivre de cette nuit folle…
Capitaine Apogée
Lire
l’intégrale de Mai-Juin 68 : sous les
pavés… Paris-Plage !
http://leoncobra.canalblog.com/albums/mai_juin_1968/index.html
Les tenors de l'UMP voulant faire référence à tout prix à Mai 1968, ( z'ont vraiment pas digéré la séquence !!! ) alors allons-y pour leur faire plaisir:
l'image a été braconnée sur le site suivant:
http://gauchedecombat.wordpress.com/2010/10/16/la-pedagogie-du-flash-ball/sarkogne/