... DANSONS la Barcarolle RAVACHOLE !
ROCKAMBOLE KARMAGNOLE
« Il s’appelle Ravachol
Est né à Saint Chamond
Petite ville en somme
Dont il fît le renom
Paris la grande ville
Fût bien vite éprouvée
Avec la dynamite.
Il voulait tout faire sauter… »
François Claudius presse et étire le soufflet de son
accordéon diatonique bis sonore à s’en rompre les articulations… un son poussé…
une autre note tirée… en force comme pour vomir toutes les teintures
nauséabondes ingurgitées chez le père Puthod dans l’atelier putride de
Saint-Chamond. Le tambour basse et la cabrette accompagnent bourrées, valses et
Scottish. Ses doigts dansent sur les
boutons de nacre et les ouvrières tourbillonnent. Oublier les cuves en inox sous les verrières, les
plantes tinctoriales, indigo, garance, safran, les colorants d’origine animale,
le murex et la cochenille et cette solution aqueuse qui souille les rivières,
ses nouveaux colorants chimiques qui bousculent le travail artisanal pour
transformer les compagnons en prolétaires… Dansez, buvez, François Claudius conduit
le bal pour un cachet de cinq sous la soirée ; un vrai milord. Gambillez,
cavalier, dindaillez partenaire, Saint- Chamond fournira un jour prochain les
vêtements de deuil de la reine Victoria… Célébrez la soie noire, la plus
célèbre d’Europe ! Ce soir, c’est la fête !!!
Il s’appelle François Claudius Koeningstein. Avec un tel
nom, il aurait pu être maitre-brasseur en Flandres mais il adhère à la
confrérie des maitres teinturiers sous la protection de Saint Maurice. Il
déteste ce nom, Koeningstein, le nom de son père, un nom maudit, attaché à la
mémoire d’un brigand pendu, de la bande des Chevaliers
du Bouc. Satan conduit le bal mais c’est Ravachol qui tient l’accordéon.
Ravachol, le nom qu’il s’est choisi, celui de sa mère. Ravachol fait sautiller
les guincheurs avec le soufflet à punaises… la boite du diable ! Certains
assurent l’avoir vu passé sous un parasol blanc, le visage talqué, en train de
composer des chansons d’amour, ils doivent confondre… Bientôt il fera sauter
les bourgeois !!!
Pour l’instant il survit, travaille ici puis là, se lasse,
colporte, fait de la contrebande et ce jour de lune pleine se transforme en
profanateur de sépulture. Il éventre le cercueil de la Comtesse la Rochetaillée
L’histoire aurait pu
s’arrêter là. On aurait raccourci Ravachol comme un simple malfrat, une crapule
ordinaire et l’anarchie n’aurait jamais eu sa plus grande légende. Mais le
destin en décida autrement ; un complice invectiva les policiers qui relâchèrent
leur surveillance laissant Ravachol se cavaler, menotté mais affranchi. Il
n’allait plus jamais fermer son claque merde et maintenant jouer d’un autre
instrument, la dynamite.
Au parc de la
Tête
- Mais c’est qui celui
là ?
- C’est mon ami Léon !
Léon Léger, la nouvelle identité de Ravachol. Le commissaire
laisse filer le proscrit. La foule s’esclaffe…
Car François Claudius a bien changé. Il lit : Le Juif errant, les Mystères de Paris
d’Eugène Sue. Ca lui donne des idées pour ses cachettes, ses déguisements et ça
renforce ses convictions.
… Il n’est pas une
réforme religieuse, politique ou sociale que nos pères n’aient été forcés de
conquérir de siècle en siècle au prix de leur sang par l’insurrection…
Car le bel Eugène n’est plus ce dandy un peu snob, le roi du
feuilleton…Ruiné, il est devenu député socialiste et a écrit Les Mystères du Peuple, une fresque
historique dont 60 000
exemplaires ont été saisis et détruits . Censuré
comme d’autres, il a choisi l’exil. Un exil dont sont revenus les communards,
Louise Michel, Jules Vallès qui n’ont pas renoncé à La
Sociale. Ravachol
… Tu as une figure
plus qu’humaine, triste comme l’univers, belle comme le suicide…
Remets tes pleurs dans
leur fourreau…
La poésie d’Isidore Ducasse, c’est la fée verte des
miséreux, le paradis des gueux, la
renaissance du Xrist de l’anarchie. Ravachol met en scène son suicide , laisse
trainer sa redingote sur le quai de la gare Perrache à Lyon avec un billet
indiquant qu’il va mettre fin à ses jours pour échapper à la justice
bourgeoise, traverse les Pyrénées pour s’initier en Espagne à la fabrication
des engins explosifs puis revient et s’installe chez la femme de l’anarchiste
Decamp. Le 14 février 1892 il dévalise une carrière près de Corbeil et s’empare
de la si précieuse dynamite.
Il déclame La pétition
d’un voleur à son roi, son voisin, de Lacenaire guillotiné en 1836, son
illustre voisin de Saint-Chamond :
Sire, de grâce, écoutez-moi :
Sire, je reviens des galères...
Je suis voleur, vous êtes roi,
Agissons ensemble en bons frères.
Les gens de bien me font horreur,
J'ai le coeur dur et l'âme vile,
Je suis sans pitié, sans honneur :
Ah ! Faites-moi sergent de ville.
Puis la marmite
de nitroglycérine explose, cuisinée à point par deux fois. Le 11 mars 1892 il
détruit l’immeuble du conseiller Benoît qui avait condamné Decamp puis celui du
procureur Bulot. L’ennemi public N°1 est poursuivi par toutes les polices de
Paris. Ravachol n’en a cure, il ne change guère ses habitudes, dine à la même
table au restaurant Véry où il est arrêté le 10 mars. Jugé par deux fois, pour
ses deux vies de voleur et de terroriste, il salue sa condamnation à mort d’un
cri primal : vive l’anarchie !
Le 11 Juillet à
3h 3O du matin, trainé à l’échafaud, il tente d’entonner la chanson du
père Duchêne quand la lame tranche soudainement sa tête :
… Pends ton propriétaire, fiche les églises en l’air…
D’autres
suivront pour le venger, Vaillant, Emile Henry et Caserio qui poignardera à
mort le président Sadi Carnot en 1893 ; jusqu’aux derniers anarchistes,
les bandits en auto de la bande à Bonnot qui disparaitront à l’aube de la plus
grande boucherie de l’histoire humaine, la première guerre mondiale de
1914-1918.
J’ai acheté un
accordéon, un chromatique, une vieille queue de pie chez un fripier et des mitaines.
Trop classe les mitaines noires pour triturer la gamme. Mon style est plutôt
boogie-blues, genre Clifton Chenier, avec un zest de Blanchard, ouais, souvenez
vous le mec qui traquait le garou dans les rochers de Rocamadour… Moi, question
paroles, j’ai le tube, une reprise cajun de la Ravachole la Carmagnole
Dans la grand’ ville de Paris (bis)
Il ‘ y’a des bourgeois bien nourris
( bis )
Et y’a tous ses salauds
Qui s’engraissent sur no’t dos
Mais y’a d’la dynamite
Et vive le son (bis)
Mais y’a d’la dynamite
Et vive le son d’l’explosion… ( bis
)
Léon Cobra /20/06/2010 16:29 / Dansons La Ravachole