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Le Tréponème Bleu Pâle
25 juin 2010

ROCKambole KARMAgnole ...



... DANSONS la Barcarolle RAVACHOLE !




RAVACHOL



ROCKAMBOLE  KARMAGNOLE

 

 

 

« Il s’appelle Ravachol
Est né à Saint Chamond
Petite ville en somme
Dont il fît le renom
Paris la grande ville
Fût bien vite éprouvée
Avec la dynamite.
Il voulait tout faire sauter… »

 

 

 

François Claudius presse et étire le soufflet de son accordéon diatonique bis sonore à s’en rompre les articulations… un son poussé… une autre note tirée… en force comme pour vomir toutes les teintures nauséabondes ingurgitées chez le père Puthod dans l’atelier putride de Saint-Chamond. Le tambour basse et la cabrette accompagnent bourrées, valses et Scottish. Ses doigts dansent sur les boutons de nacre et les ouvrières tourbillonnent. Oublier les cuves en inox sous les verrières, les plantes tinctoriales, indigo, garance, safran, les colorants d’origine animale, le murex et la cochenille et cette solution aqueuse qui souille les rivières, ses nouveaux colorants chimiques qui bousculent le travail artisanal pour transformer les compagnons en prolétaires… Dansez, buvez, François Claudius conduit le bal pour un cachet de cinq sous la soirée ; un vrai milord. Gambillez, cavalier, dindaillez partenaire, Saint- Chamond fournira un jour prochain les vêtements de deuil de la reine Victoria… Célébrez la soie noire, la plus célèbre d’Europe ! Ce soir, c’est la fête !!!

 

 

Il s’appelle François Claudius Koeningstein. Avec un tel nom, il aurait pu être maitre-brasseur en Flandres mais il adhère à la confrérie des maitres teinturiers sous la protection de Saint Maurice. Il déteste ce nom, Koeningstein, le nom de son père, un nom maudit, attaché à la mémoire d’un brigand pendu, de la bande des Chevaliers du Bouc. Satan conduit le bal mais c’est Ravachol qui tient l’accordéon. Ravachol, le nom qu’il s’est choisi, celui de sa mère. Ravachol fait sautiller les guincheurs avec le soufflet à punaises… la boite du diable ! Certains assurent l’avoir vu passé sous un parasol blanc, le visage talqué, en train de composer des chansons d’amour, ils doivent confondre… Bientôt il fera sauter les bourgeois !!!

 

 

La_Ravachole

Pour l’instant il survit, travaille ici puis là, se lasse, colporte, fait de la contrebande et ce jour de lune pleine se transforme en profanateur de sépulture. Il éventre le cercueil de

la Comtesse

de

la Rochetaillée

mais l’aristocrate est enterrée sans ses bijoux. Ses mains déchire la charogne, écarte vers et asticots, brasse la terre et les os pour farder le néant. Il ne trouve qu’une minuscule croix d’or. Misérable hérétique, il vomit religions et blasphèmes en glaires verdelets… Poussières, poussières… tétanisé il baragouine des âneries. Prairial est vermillon dans le cerveau perforé de François Claudius. Il fournit une fiole de vitriol à cette jeune amie qui en fait bénéficier le visage de son amant infidèle. La mort l’enlace, il tue, il perpétue la tradition des Bokkenrdgers, comme son père. Il assassine le vieux Jean Baptiste Brunel, un hermite avare de 96 ans, à l’époque un record de longévité… Ses poches débordent de pièces d’or, il dilapide l’argent et le commissaire Teychené, aidé de cinq inspecteurs le serrent et l’arrêtent.

L’histoire  aurait pu s’arrêter là. On aurait raccourci Ravachol comme un simple malfrat, une crapule ordinaire et l’anarchie n’aurait jamais eu sa plus grande légende. Mais le destin en décida autrement ; un complice invectiva les policiers qui relâchèrent leur surveillance laissant Ravachol se cavaler, menotté mais affranchi. Il n’allait plus jamais fermer son claque merde et maintenant jouer d’un autre instrument, la dynamite.

 

 

 

Au parc de

la Tête

d’Or à Lyon, Guignol et son compère Gnafron se payent la tronche de Teychiné devant un parterre d’enfants de bourges pomponnés et de quelques canuts endimanchés. Le commissaire dresse un constat d’adultère dans une mansarde sous les toits .

 

- Mais c’est qui celui là ?

 

- C’est mon ami Léon !

 

Léon Léger, la nouvelle identité de Ravachol. Le commissaire laisse filer le proscrit. La foule s’esclaffe…

Car François Claudius a bien changé. Il lit : Le Juif errant, les Mystères de Paris d’Eugène Sue. Ca lui donne des idées pour ses cachettes, ses déguisements et ça renforce ses convictions.

 

… Il n’est pas une réforme religieuse, politique ou sociale que nos pères n’aient été forcés de conquérir de siècle en siècle au prix de leur sang par l’insurrection…

 

Car le bel Eugène n’est plus ce dandy un peu snob, le roi du feuilleton…Ruiné, il est devenu député socialiste et a écrit Les Mystères du Peuple, une fresque historique dont 60 000 exemplaires ont été saisis et détruits . Censuré comme d’autres, il a choisi l’exil. Un exil dont sont revenus les communards, Louise Michel, Jules Vallès qui n’ont pas renoncé à

La   Sociale.

 Ravachol

les écoute, les admire, il renonce à la reprise individuelle pour choisir la propagande par le fait, l’heure de la revanche a sonné, la nitro va parler !!!

 

 

… Tu as une figure plus qu’humaine, triste comme l’univers, belle comme le suicide…

Remets tes pleurs dans leur fourreau…

La poésie d’Isidore Ducasse, c’est la fée verte des miséreux, le paradis des gueux, la renaissance du Xrist de l’anarchie. Ravachol met en scène son suicide , laisse trainer sa redingote sur le quai de la gare Perrache à Lyon avec un billet indiquant qu’il va mettre fin à ses jours pour échapper à la justice bourgeoise, traverse les Pyrénées pour s’initier en Espagne à la fabrication des engins explosifs puis revient et s’installe chez la femme de l’anarchiste Decamp. Le 14 février 1892 il dévalise une carrière près de Corbeil et s’empare de la si précieuse dynamite.

Il déclame La pétition d’un voleur à son roi, son voisin, de Lacenaire guillotiné en 1836, son illustre voisin de Saint-Chamond :

 

 

Sire, de grâce, écoutez-moi :
Sire, je reviens des galères...
Je suis voleur, vous êtes roi,
Agissons ensemble en bons frères.
Les gens de bien me font horreur,
J'ai le coeur dur et l'âme vile,
Je suis sans pitié, sans honneur :
Ah ! Faites-moi sergent de ville.

 

Puis la marmite de nitroglycérine explose, cuisinée à point par deux fois. Le 11 mars 1892 il détruit l’immeuble du conseiller Benoît qui avait condamné Decamp puis celui du procureur Bulot. L’ennemi public N°1 est poursuivi par toutes les polices de Paris. Ravachol n’en a cure, il ne change guère ses habitudes, dine à la même table au restaurant Véry où il est arrêté le 10 mars. Jugé par deux fois, pour ses deux vies de voleur et de terroriste, il salue sa condamnation à mort d’un cri primal : vive l’anarchie !

Le 11 Juillet à 3h 3O du matin, trainé à l’échafaud, il tente d’entonner la chanson du père Duchêne quand la lame tranche soudainement sa tête :

… Pends ton  propriétaire, fiche les églises en l’air…

arrestation_de_ravachol

 

D’autres suivront pour le venger, Vaillant, Emile Henry et Caserio qui poignardera à mort le président Sadi Carnot en 1893 ; jusqu’aux derniers anarchistes, les bandits en auto de la bande à Bonnot qui disparaitront à l’aube de la plus grande boucherie de l’histoire humaine, la première guerre mondiale de 1914-1918.

 

 

J’ai acheté un accordéon, un chromatique, une vieille queue de pie chez un fripier et des mitaines. Trop classe les mitaines noires pour triturer la gamme. Mon style est plutôt boogie-blues, genre Clifton Chenier, avec un zest de Blanchard, ouais, souvenez vous le mec qui traquait le garou dans les rochers de Rocamadour… Moi, question paroles, j’ai le tube, une reprise cajun de

la Ravachole

, fini la référence au ça ira et à

la Carmagnole

, je suis résolument Bayou sans pétrole mais avec vitriol et viva Claudius François !!!

 

 

Dans la grand’  ville de Paris (bis)

Il ‘ y’a des bourgeois bien nourris ( bis )

Et y’a tous ses salauds

Qui s’engraissent sur no’t dos

Mais y’a d’la dynamite

Et vive le son (bis)

Mais y’a d’la dynamite

Et vive le son d’l’explosion… ( bis )

Cobraccord_on

 

 

Léon Cobra /20/06/2010 16:29 / Dansons

La Ravachole

 

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Commentaires
J
Texte magnifique aux mots tranchants et nostalgiques pour tracer une vie de révolte. A te lire, j'ai la chair qui se hérisse des images portées.<br /> Le meurtre du bourgeois et l'explosif ont-ils fait avancé le schmilblik ? la bande à Baader, Action Directe ou les Brigades Rouges ont-ils soulevé les consciences sur la dictature capitaliste qui se dissimule derrière le masque de la démocratie ? NON !<br /> L'impatience romantique portée par le mythe de 1789 ne doit pas détruire le long terme.
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D
Ploum ploum tralala ! Bonne vacances !
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