... avec Johnny Thunders !
La WebKam explose le Temps...
Une nuit au Gibus avec Johnny Thunders
( You can’t put yours arms
round a memory )
Ce
qui est terrible à mon âge, 61 ans à 12h35, 62 au treizième coup de minuit,
c’est la luminosité ! L’éclairage tu le prends en pleine poire, pas un
cadeau ! Les rides ressortent pour dessiner de sinueux chemins de croix
autour du front, aux commissures des lèvres et bien sur de monstrueuses cernes
autour des yeux. FIAT LUX … la lumière te sculpte, ses rayons blanchâtres,
jaunâtres, verdâtres,
bleuâtres,
te peignent en relief… Lumen, cette vérité qui oblige tous les pigistes de
magazines Rock à disparaître derrière leurs lunettes de soleil, Ray Ban Aviator de préférence. Lumen,
même au fin fond des caves de répétition les plus obscures, lumen même sous les
sunlights givrés-coruscants-fluides des Zéniths de province et surtout sous les
projos des plateaux de télévision. Des crevasses dissimulées sous le fond de
teint térébenthine de la nouvelle pate à (re)modeler !!! Pauvres choux et
la légende bordel : le rock, ça marque et ça conserve !!! Je ne sais
plus quelle enflure a sorti ce poncif définitif mais faudrait assurer, les
mecs : montrez la, votre gueule ravagée par la vie ! Faut croire
qu’ils ont tous un contrat exclusif avec un opticien…
C’est
dingue ce que les enfants du rock ont du mal à passer la soixantaine…
overdoses, suicides, accidents de bagnoles, sida , défenestration ou même pire
recyclage comme animateurs de télé-réalité ou de centre commercial, arrêtez le
massacre !
Alors
je ne vous dis pas le plaisir vicelard que je me prends à feuilleter un
magazine rock en commençant bien sur par la rubrique nécrologique. Ah ouais,
celui là, je l’ai vu sur scène en 1966, 1969, 1976, 1979…
Si
loin, si proche ; nos héros guitaristes.
Tiens,
Johnny Thunders, son concert au Gibus, c’était en quelle année déjà ?
C’est bizarre, je n’arrive vraiment plus à le situer.
18,
Rue du Faubourg du Temple. Un couple très punky se dirige vers le Gibus, je
leur emboîte le pas et descends les marches qui conduisent au club. Trois
gorilles les soulagent de 30 balles et leurs refilent un ticson donnant droit à
une consommation. Un type plus âgé est assis à coté d’eux et repère les
nouveaux venus sur le circuit audiovisuel qui filme l’extérieur. Un vieux mégot
juteux pend collé à sa lèvre inférieure. Je me dirige tout droit vers lui.
- Bonsoir, est- ce que Marc Blanc est
arrivé, je dois l’aider à installer la sono ?
- C’est quoi ton nom ?
- Cobra !
Il
jette un regard évasif vers des feuilles éparses qui trônent entre une
bouteille de bière, un paquet de cigarettes et des gâteaux secs.
- Vas-y. Il est au bar. Il t’attend.
Putain,
la vielle sono d’AME SON… Elle qui a connu la ronde infernale des galas et
festivals de l’ère Psyké ; Amougies, Biot, Orange et cinquante MJC de
merde entre Strasbourg et Chaville, la voilà recyclée comme une vieille pute au
service de la culture Punk ! C’est comme ça qu’il assurait les fins de
mois, Marco. Pas trop compliqué comme job, pousser tous les boutons à fond et
espérer qu’aucun court circuit ne brise net le show. Elle avait supporté The
Damned ; elle tiendrait bien encore ce soir. Le plus chiant,
c’était de décharger le mini-bus, de descendre l’escalier avec les enceintes et
la table de mixage et de remballer à l’aube . C’était la deuxième fois que
j’opérais avec lui, juste pour le fun, pour rien au monde je n’aurai raté le
mythique Johnny Thunders ! De son vrai nom John Anthony Genzale Junior, né
le 15 Juillet 1952 en Floride, guitariste soliste des Dolls de 1972 à 1975 en
pleine période de Glam Rock. Il quitte ensuite les NYD avec le batteur Jerry
Nolan pour fonder les Heartbreakers avec Richard Hell, ancien bassiste de
Television. De rupture en reformation, le revoilà surfant sur la vague Punk. Ce
soir au Gibus bientôt à cinq mètres de nous…
Marc déroule et branche les derniers câbles, je me dirige vers la pizzeria et m’installe près du flipper commandant une Quatre Saisons et un pichet de rosé.
Je repense à Aspic dans ce décors bateau, c’est lui qui m’avait traîné presque de
force au Gibus par une nuit de Novembre… « Tu vas voir, mec, un truc
dément, des gosses de 18 ans qui jouent le Rock comme personne. C’est speedy,
dirty, les Mods des années 66, les Who de My Generation, les Troggs de I
want you, du TNT ! Tu vas en prendre plein tes oreilles de vieux
con… » Métal Urbain jouait ce soir
là. Sur, j’ai dégusté, j’m’attendais pas à cette avalanche de décibels, ce
mélange d’acier parasite, hurlant, geignant, dégueulant sur mon orthodoxie
musicale. J’ai pas compris l’ombre d’une parole dans leurs textes, même sans batterie
tout était saturé par le rif des guitares mais l’électrochoc est passé, ça me
semblait nettement plus intéressant que le jazz-rock qu’on distillait ici
auparavant. Y’avait une pulsion véridique, un feeling… Pas celui de la maîtrise
technique et de la virtuosité mais celui de la révolte, de la gangrène, de
l’envie de jouer sans complexe. Le monstre dont le Flower Power avait accouché était là dans toute sa laideur, dans toute son
authenticité. La génération du Néant se mettait à vivre ou plutôt à se
suicider dans un fracas destructeur ! Ce coté nihiliste me plaisait bien,
j’étais converti…
Mongolo était un mongolien. La batterie hachée, le
synthé, c’est Devo… Mongoloïd. Un Teddy-Boy de magazine branle le flip
et fait vibrer mon assiette. Une folle, cheveux oranges, tout en skaï mauve
traîne son copain avec une laisse de chien . Il a les lèvres tomate mure
et son jean en haillons balaye le sol. Les lunettes noires, les tennis blancs,
les badges brillent sous les projos en une ronde maladive. Sex, drugs &
rock’n’roll diffuse la sono. Je m’essuie la bouche et passe de l’autre
coté. La foule commence à arriver. Johnny Thunders et ses Heartbreakers,
enfin ce qu’il en reste, ne doivent pas passer avant 1 heure du matin mais
personne ne veut rater le fondateur des New York Dolls. Trois filles s’envoient
valdinguer par des charges à l’épaule répétées sous les regards absents du
public. Le DJ enchaîne avec Anarchy in the U.K. des Pistols. Johnny
Rotten crache son venin : « je ne sais pas ce que je veux mais je
sais comment l’obtenir. Je veux tout casser, tout détruire. Je veux être
Anarchie ! » Les danseurs de Pogo envahissent l’espace libre, se
bousculent, se battent, braillent et cassent quelques canettes de Kro. Un
blondinet à crête en débardeur délavé sautille sur les tessons déformés par les
flashs du stroboscope, les liquettes blanches de détachent phosphorescentes
puis la fièvre passe et l’assemblée se tortille en cadence sur le Punky
reggae Party de Bob Marley.
Le Gibus se remplit. Les musiciens d’Asphalte
Jungle, le sombre Pacadis et sa bosse de dromadaire, tous les descendants
parisiens des Stooges et des Fugs… C’est la déferlante… Ramones, Iggy, Clash,
Damned… La salle est fin prête à accueillir enfin la star. Je m’accoude au bar,
juché sur un tabouret, accroché à ma bière. Avec Marc on se regarde, il y a
comme un décalage, nous ne sommes plus réellement acteurs comme en 1969 plutôt
des spectateurs presque des voyeurs. J’ai atteint la trentaine et tout ça me
parait un peu réchauffé…
Johnny arrive par derrière la scène avec ses
musiciens et se branche. Il est complètement raide, il attaque sous les
applaudissements. Le son est saturé mais les voix dominent l’ensemble, Marc a
bien réussi la balance. Il ne reste plus au groupe qu’à pousser leurs amplis à
fond pour se couvrir mutuellement dans la pure tradition du Punk LIVE …Jean-Pierre
Kalfon s’est installé sur l’estrade au pied du groupe avec une bouteille de
champagne qu’il passe à Johnny T. entre les morceaux. Celui-ci boit au goulot
puis enchaine. Avec son groupe Kalfon Rock Chaud, il se la joue, lui aussi
french Heartbreakers, déglingue assurée comme aux plus belles heures de la Coupole. Il
Applaudissements à tout rompre… Johnny T revient
pour un bis … Great big kiss peut être ou autre chose, je n’en sais
trop rien. Trou de mémoire… ce qui est sur, c’est que la sono d’AME SON a tenu
le choc et Johnny Thunders aussi malgré ( ou grâce à ) la quantité de drogues
et d’alcool consommés. Seul, Keith Richards, ou un mammouth auraient supporté
une telle charge !
Johnny
Tonnerre est mort le 23 Avril 1991. On a retrouvé son corps dans un hôtel
miteux de la Nouvelle Orléans
Cobra
/ 11/01/2010 22:33:27
Les places pour Elliott Murphy sont actuellement en vente. Le concert aura lieu le 27 mars au New Morning à 20h.
On se tient au jus...
Un abrazo tio