... et blémir !
EMPOISONNEMENT
Sortir pourquoi faire ?
Qu’y-a-t-il dehors ?
Des gens, des rues, de la fumée, du bruit, des odeurs…
Surtout des odeurs : l’essence, le poisson purulent, les égouts. Partout
des égouts avec des rats qui rentrent dedans et pataugent dans la merde.
Des métros avec des gens dedans qui respirent la sueur, les
parfums rances, le gaz, la crasse.
Des rues avec de grands caniveaux pleins d’ordures, d’eaux
souillées, d’excréments d’animaux tenus en laisse.
Avec le sang des chiens, les cadavres des chats que leurs
autos ont écrasés ou que leurs gosses ont écorchés avec leurs canifs aiguisés.
Avec des chiards qui crient que ça s’appelle hurler,
invectiver, vitupérer peut être même barrir, aboyer, beugler tant
l’instinct animal a reprit le dessus.
Et puis ces uniformes qui contrôlent la triste
pantomime ; tous ces gens sombres, brisés, cette pluie, cette grisaille
intense, internée.
Les gens tournent, vont, grognent, crient, insultent,
crachent. Ils crachent toujours plus ; plus loin, plus gras, plus souvent.
Ils se connaissent à travers le vert et le rouge de leur feu
de signalisation. MARCHE-ARRET ! STOP-MOooooVE !
Et des troupeaux qui rentrent, qui sortent des bouches de
métro, des bouches d’égout… des bouches à nourrir, des bouches à sexe, des bouches
trous, des bouches à bouchon, des bouches cousues, des bouches en cul de coq,
des bouches béni-oui-non, des bouches d’incendie, des bouches pâteuses, pleines
de feu, de chaleur, VIANDE CRUE, Viande suintante… Salive, sueur, vinasse, flaques
d’urine !
6h… 12h… 18h… Les montres sont bien réglées. Les balises se
déclenchent. Cinq ans … à l’école maternelle ! 1o ans… au collège !
20 ans… Tu es encore à l’université, sale parasite quand vas-tu donc
travailler ? L’alarme résonne stridente, il est l’heure l’égout
t’appelle ! Baisse la tête, enfile ton costume bleu, rampe vers l’égout,
courbé, silencieux, ton collier électronique autour du cou…
Beeh…Beeh…beeh !
Pourquoi sortirai-je ?
Pourquoi faire ?
Ici j’enfante ; l’air est pur ; je me pose des questions à la con tellement existentielles :
En quoi le poétique
interfère-t-il sur le politique ?
La meilleure formule pour une revue de poésie : l’anonymat, un pseudo, une signature ?
Le dehors n’existe plus. Il n’y a plus d’immensité
terrestre, de planète, de blogosphère. Ce monde est mort. Je n’ai plus que mon
cerveau à parcourir, les couloirs de mon imagination à découvrir, le labyrinthe
de mon esprit, le dédale de ma pensée… je charme les serpents, je détourne les
codes, j’explore les temples disparus, j’aperçois la reproduction digitale de
mon sexe, je croise mes réincarnations. Je mange de l’herbe noire et les
fumées, les odeurs, les sons sont en jasmin et en pétales de rose.
Pourquoi sortirai-je ?
Je vais rentrer en moi. Je ne sortirai plus jamais. Je me
pénètre. J’empoisonne mes flèches.
CURARE ou PEYOLT ?
Pourquoi sortirai-je ?
COBRA 1969 ( actualisé en 2009 )