... Bénarès-Varanasi
Carte de 1970
TalKING about GANGE River
( 2 )
Dimanche 6 Septembre :
5 h du mat’ DEBOUT ! Averses diffuses…
On me jette dans le car qui nous emmène pour la première manche du marathon. Un gymkhana ahurissant dans les ruelles toutes aussi tumultueuses qu’hier avant d’alunir sur une grande barque au bord du Gange pour la remontée du Fleuve… Un monstre jaune-brique-boue avec des milliers d’écailles en bois brulé ou en os humains, une vague déflagrante, une vibration permanente, une tête en flamme… VAPEURS… le bûcher des brulés renaissants, une fumée perpétuelle, des centaines de pèlerins à moitié nus dans cette eau argileuse se lavant, se purifiant et trois haut-parleurs qui crachent couverts par les aboiements rageurs des chiens qui hurlent à la mort réclamant leur pitance de viandes grillées… Je remonte dans la gorge du Dragon pour voir dans l’aube trouble, ce spectacle, cet éveil, ces mutilations. Je m’extirpe de la barque; deux bras musclés et maigres à la fois me hissent sur la berge où des dizaines de marchands me proposent à grand cri une pacotille de flutes, de colliers, d’encens et d’éventails… Shamash, ô mon astre !
Un temple plus moderne, tout en marbre, des statuettes de bronze, des marionnettes, des automates, une musique en play back… Entendez-vous le transistor du Planning familial ?
en barque sur le Gange...
Un tour à l’université, une pause au Touris-Bungalow pour boire du thé et nous repartons pour Sarnath et Rannagar Fort. Les Ricains vont nous tuer avec leur rythme infernal, ils s’offrent un autre guide qui nous fatigue avec ces anecdotes à la con. Un musée… l’endroit où Bouddha a formé ses cinq premiers disciples… encore du thé, vite en marchant puis le palais du Maharadja de Bénarès. Dur d’être Maharadja de nos jours quand on peut plus payer ses serviteurs, quand le palais jaunit et se salpêtre, quand le gouvernement coupe les vivres, quand on ne possède plus qu’une épouse ! putain, je compatis !!! Néanmoins, on l’a vu avec sa garde dépenaillée, sa buick cabossée, son petit chapeau et sa moustache chenue et on a crié comme tous les fidèles : KRISNA-MAHARADJA-Dieu Vivant !!! Résultat : on était aphone ; un paon a fait la roue et on a pris un orage d’une violence hors du commun sur la comète droite de nos sarcasmes.
Harassés, on rentre au Tourist-Bungalow et soudain apparition
dans une ruelle de Martial, prince des gurus et de son copain Michel, tous deux
fraichement rasés, pijamatisés et tuniqués de trois semaines d’Inde toute
neuve. Ils portent Kurta, Salwar et
Dupatta comme de vrais indis. Martial, l’homme de la rue Mouffetard, notre
copain de lycée, avec qui nous avions voyagé l’année dernière en Turquie entre
Bodrum, Marmaris et Antalya puis ensuite entre Chypre et Israël, de Haïfa à
Jérusalem. On s’embrasse puis direction le bar où nous passons trois heures à
nous raconter nos trips en fumant bidis sur bidis. Ils restent quelques jours
ici puis partent pour l’Asrham d’Auroville . Michel à l’intention de s’intégrer
à la communauté fondée en 1968 par La Mère.et la Route
Les américains prennent congé de nous. Avec Martial et Michel nous gagnons l’école de musique toute proche pour assister à un concert. Deux heures de virtuosité et de renaissance spirituelle pour deux roupies avec deux virtuoses sitarisant et tablarisant à merveille, thé et puces vertes compris dans le tarif car ces foutues nattes étaient truffées de bestioles. J’ai les mollets troués. Nous nous séparons, il est 3h du matin… La fatigue me sonne, je tombe sur mon lit et sombre jusqu’au lendemain.
Toile de Franck APPERT