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Le Tréponème Bleu Pâle
5 juillet 2007

GUEST STAR II

CoPilote des revues CRISPUR & DERIVE, Guy DAROL a organisé de juillet à septembre 1974 à Ploërmel en Bretagne l'Amougies de la Presse Libre française.... On y retrouvait la fine fleur des colporteurs de l'imaginaire des Seventies: Mai Hors Saison, Oedipe, Lame de Fond, Cheval d'attaque, L'Ecchymose, Barbare, le Tréponème Bleu Pâle, Zone, Hautefeuille, Crispur, Succion, Exit, Dérive, le Canaille...
Guy voue une véritable passion à Franck ZAPPA; c'est pourquoi le Tréponème Bleu Pâle est particulièrement heureux de vous proposer un extrait de son cultissime, la parade de l'homme-Wazoo, hélas épuisé. Fatiguée, assèchée, vidée, pompée, Suzy Crème de Gruyère vient pourtant d'en dénicher un exemplaire. Où ça ? Au rayon Rock Music de la bibliothèque Port Royal 75005 ! Thanks Suzy, merci Bertrand 2012..!
z'avez encore 30 secondes ? Surfez sur sa page perso dans my space.... Visite Guy D: @lien Poésies Sonores.
Un régal !!!

FRANK ZAPPA

par Guy Darol

Tout l’or du monde m’était donné, immatériel comme l’écume de mer. Ce n’est pas dans les doigts qu’il filait, irradiant de lumière mes ongles. Je ne pinçais pas la guitare. En 1972, je ne connaissais qu’un seul accord : vibrer en harmonie, marcher suivant l’instinct vers ceux qui me reconnaissaient.

Ma culture était hétérogène, qualitative cependant. J’avais lu Nietzsche et Rimbaud, Artaud et Daumal, Lewis Carroll et Henry Miller. Cela suffisait à mon dégoût et caractérisait mes élans. Je cherchais l’Ailleurs depuis l’enclos pénitentiaire (école-caserne) dont le cadre parfaitement rigide s’étendait à presque tout. tout ce qui m’insupportait, tout ce que je détestais était la Société : mot-fléau, emballage de malheur, paquet des frustrations, des manques.

La Société, c’était l’addition repérable et indéfinie de ce qui s’opposait au plaisir, à l’oisiveté : un épouvantail à brûler.

En matière musicale, mon éducation dépendait en bonne part des radios à hit-parades et du magazine Rock & Folk. Toutefois, j’opérais une sélection qui me portait vers les Beatles plus que les Cream. Simon and Garfunkel avaient ma préférence sur Fleetwood Mac. La variété me miellait l’oreille et la découverte de Zappa fut pour moi un ébranlement qui mit K.O. une sensibilité menacée par le sucre.

L’or du monde : il arrive qu’on le trouve sans chercher. Quête enroulée en soi et dont on connaît le motif – sortir du savoir préfa, aller vers d’autres paysages –, mais le but vous reste caché, et plus encore l’aventure et ses conséquences.

J’ignorais qu’en m’assimilant à une bande, tout feu et flammes pour Zappa, je serais, dans ma quarantaine, épris toujours, et accroché, mobilisant mon énergie pour que ma ferveur se sache, qu’elle atteigne les plus rétifs, et emporte les hésitants.

Zappa m’est tombé dessus, par surprise et enchantement, un jour que mes doigts cuisinaient dans les bacs farcis du Lido, et c’est la pochette d’un album, pastichant le Sgt Peppers’s qui a capté mon attention. C’est le rire qui vint en premier, un ruisseau, une cataracte. J’étais cuit, assis sur le cul, éclaté par cette pochette qui moquait, mais allègrement, le groupe dont j’étais l’admirateur très orthodoxe. Dévot confit de liturgies, ponctuel aux messes : disques et films.

Car les Beatles, mes favoris, en prenaient pour leur gloire. Désacralisés en bloc, chus du pilastre par des freaks nippés comme des gourgandines. Chevelus, barbus, en chignon et en couettes, le torse pileux et la jambe résillée, ils posaient avec gravité au-dessus du mot Mothers écrit en lettres de pastèques, de tomates et de carottes. Un pied chaussé d’un brodequin d’ogre, Zappa, en robe à col de tulle, darde, les bras croisés, l’objectif du photographe, derrière lequel, on devine, se tasse la mollesse d’un univers voué aux idoles. Des instantanés compassés figurent une ribambelle où l’on peut reconnaître Léonard de Vinci, Nosferatu, Elvis Presley, sous la foudre d’un ciel violacé.


Pink_Zap_Floyd

25/10/1969/ Trouble je(u) /  Clo(w)nage et Freak Out / Amougies, ce soir le festival voit double...

À ce stade de mon parcours, je bredouillais l’anglais, malgré des séjours linguistiques à Salisbury (Wiltshire) où je m’ouvrais, en compagnie de John, à de nouvelles sonorités. John vivait dans une caravane plantée sur une terraian demi-vague qu’entourait une palissade. Il était de dix ans mon aîné et sa personnalité faisait coïncider tout ce qui me semblait idéal. Il jouait une musique que mes oreilles, flattées aux Beatles et aux Kinks, n’avaient pas l’habitude d’entendre. Quand il terminait un concert, il délaissait son groupe et nous marchions dans les rues de la ville en buvant du lait. Je crois que John, tout rebelle qu’il était, m’avait pris sous sa protection et s’il préférait la bière, je lui étais un alibi pour de petites cures sans alcool. La ville se blottissait au loin sous les lampadaires jaunes et nous taillions dans sa banlieue par des chemins de seringas et de troènes dont l’odeur chaque fois retrouvée me mordille l’âme. Au bout d’un sentier encombré par des boîtes de fer, canettes des grandes beuveries de John, nous arrivions à la roulotte.

Les pneus, socquettes de caoutchouc, chaussaient de gros parpaings de ciment. Sur un terrain aussi plat qu’un plat, cette précaution laissait imaginer que les voyages de John s’effectuaient surtout dans sa tête. Il y avait, fixée sur une paroi, une carte du ciel aux constellations fabuleuses. Un crayon avait relié les étoiles, de sorte que la voûte abritait des créatures de contes : dragons, griffons, licornes …

- Tu as fait ça John ?

- Je dessine mon ciel intérieur.

Quelque chose tremblait en moi à la vue de ces gueules aux allures parfois incisives. Je me demandais à quoi pouvaient ressembler mes monstres.

John se taisait souvent et je n’en étais jamais gêné. Au contraire une bonne dose de son silence opérait comme un sédatif. Je m’apaisais.

Quand il parlait, c’était pour me raconter son mois de mai 68 à Paris : arbres couchés, voitures retournées, pavé dans la visière du flic … C’était pour me dire : « La France, plus rebelle… Les gens sont fatigués ici. » Il m’était difficile d’admettre devant une telle masse de calme que John était un peu guerrier. Tout de même, assis sur son canapé, faisant jaillir avec ses mains le geste qu’une chose énorme allait jaillir, il passait, sur l’électrophone, des disques de Mountain.

in Frank Zappa, La Parade de l’Homme-Wazoo

Guy Darol

Le Castor Astral éditeur, 1996

Épuisé

joel_Hubaut

Un extrait du QUETTON ( 1974 ).

Dernière Boite Postale connue: QUETTON L'ARTTOTAL BP 344 CHERBOURG 50103

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Commentaires
M
Hubaut toujours actif ici :<br /> http://www.myspace.com/joelhubaut
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